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Voici pourquoi je boycotte les ventes au kilo (et pourquoi vous devriez aussi)

Clémence Aulas
4 octobre 2024 à 9h00
4 octobre 2024 à 9h00
5 min

Ma conso, ma seconde main (1/3)Les ventes au kilo de vêtements séduisent par leurs prix bas et leur promesse écologique. Mais derrière, se cachent des pratiques commerciales inspirées de la fast fashion pour vendre des vêtements d’occasion cheap. Dans cette chronique CMCM, Clémence Aulas nous explique pourquoi fuir cette pratique.

Les ventes au kilo : nouveau fléau de la seconde main

Si demain on vous propose des vêtements de seconde main au prix de gros, le tout, très proche de chez vous dans une ambiance conviviale et moderne, vous y allez ? Pas moi. En tant que fan de beaux vêtements, bien faits et déjà portés, je fuis ces ventes d’un nouveau genre.

De quoi parle-t-on exactement ? De ventes au kilo de vêtements dits "vintage" qui pullulent dans les grandes villes françaises. Il s’agit d’évènements éphémères organisés dans des villes comme Nantes, Lyon, Besançon, Poitiers et Caen. Parfois, ouverts aux artisans locaux.

Ces ventes attirent des milliers de visiteurs et drainent des milliers de vêtements. France Bleu évoque en janvier 2024, une fréquentation de 13 000 - 15 000 personnes pour la journée de vente d’un samedi à Rouen. En moyenne sur chaque événement, c’est le déballage de 5 à 6 tonnes de marchandise.

Un déballage pas cher, me direz-vous. Pour 20 euros le kilo, comptez 4 euros la chemise, 3 euros le tee-shirt, etc. Un format de vente d’articles de seconde main, provenant de balles de fripes importées, qui se développe de plus en plus. Mais qui ne fait pas l'unanimité, contrairement à ce que les organisateurs aimeraient nous le faire croire. Sous couvert d’écologie, de "mieux consommer" et de "j’arrête d’acheter du neuf", les clients acquis à la cause de la seconde main, surtout les novices, affluent, avec pour volonté l’achat rapide, compulsif et déraisonné…

Des lieux choisis suffisamment grands pour accueillir un large public ainsi qu’une masse de vêtements. Des acheteurs avides de bonnes affaires qui fouillent frénétiquement les tas de fripes. Un univers qui joue sur des balances en libre accès pour savoir à quelle sauce on sera mangé en caisse. Des sacs poubelles en guise de sac shopping… En clair, on frôle plus le marché de la dernière main qu’une vraie proposition de valorisation.

Prenez garde, si vous aviez encore un doute, votre envie d’y faire un tour risque de s’envoler en lisant ce qui suit.

C’est le déballage du cheap

Lors de ces ventes, les articles vendus sont dans la plupart des cas dans un état passable, parfois tachés, troués et autres joyeusetés pour lesquelles la seconde main subit encore railleries et préjugés.

Regarder le reportage de France 3 Bourgogne-Franche-Comté : "No Fast Fashion : le paradoxe de la surconsommation"

Ces ventes proposent ce qui peut se fait de moins qualitatif. C’est logique, pour 3 euros le tee-shirt lors d’une vente non-solidaire, ne vous attendez pas à un tee-shirt américain des années 70 rare et en parfait état. On est plutôt proche de l'étape upcycling ou recyclage. Les organisateurs nous promettent de "grandes marques". Tout est relatif car du Disney, Puma, Dickies, Nike, Diesel, Levi’s…, on a vu mieux niveau conception et renom.

Les méthodes de la fast fashion appliquées à la seconde main

Pourquoi ces évènements flash attirent tant ? On veut des prix bas, des marques qui parlent à toutes les générations et surtout le sentiment d’avoir un évènement à ne pas louper. Du monde aussi, des vêtements à tire-larigot et un DJ local qui passe des hits pour un esprit clubbing, comme on peut le retrouver dans certains magasins de sneakers.

Créer le désir, ciblage sur les réseaux sociaux et vous faire acheter toujours plus

Ces ventes éphémères proposent une entrée sous réservation, parfois payante. Le principe est simple et mécanique : créer un sentiment de rareté, voire d’exclusivité qui assure aux organisateurs une certaine affluence mais qui surtout en termes de marketing, permet de créer l’envie et la désirabilité.

Pas étonnant d’entendre donc : "J’ai réservé un accès à une vente éphémère qui n’aura pas lieu deux fois de la même façon". Comprendre ici, "je ne veux pas louper la vente d’articles inédits et pas cher et je compte bien me lâcher sur la quantité". Vous l’aviez repérée la manœuvre ? Bien joué n’est-ce pas. Tel est le crédo de ce type de ventes.

La communication des événements est rodée et planifiée. Sur les réseaux sociaux, les posts sont sponsorisés et programmés ville par ville un mois avant le jour J. De la répétition, pour que le message soit vu. Passer à côté d’une vente devient difficile. Sans compter sur les jeux-concours pour vous faire racheter des kilos. Par exemple, un jeu-concours co-organisé avec le lieu d’accueil de la vente, ici les Rives de l’Orne pour dépenser 250 euros lors de la prochaine vente. Pour 29 euros le kilo et honorer le bon cadeau, ce n’est pas moins de 8,20 kg de vêtements à trouver le jour J. 8 kilos c’est l'équivalent d’un pack d’eau. Mais c’est surtout le poids de vos regrets dans deux mois.

Flirte avec le greenwashing

Autre fait qui me fait sourire jaune : le positionnement bon plan vintage et anti fast-fashion de ces ventes. Certes, les organisateurs ne produisent et ne commercialisent pas (encore) de vêtements issus de la fast fashion. Pour autant, dans les méthodes de vente et de sourcing, le compte n’est pas bon. Il s’agit de vêtements d’occasion dont on ne connaît ni la provenance, ni les conditions d’acheminement et que l’on veut nous faire acheter compulsivement.

Choisir une économie circulaire est un besoin urgent, faire des achats respectueux de l'environnement et trouver des pépites pas chères : le couplet est bien rodé.

"On fait un énorme geste pour la planète"

Les personnes interrogées sur place par les médias se targuent souvent de faire un geste écologique, comme en témoigne un récent reportage de Ouest France intitulé : "On fait un énorme geste pour la planète". Un message porté par les organisateurs. Pour MaTélé, le CEO de Keep It Vintage, société qui organise des ventes au kilo, affirme devant la caméra : "Aujourd’hui, tout le monde a besoin de prendre des décisions, pour faire de bonne actions envers la planète et acheter des vêtements de seconde main." Un message écrit sur lors des ventes aussi. En atteste le panneau capté lors du reportage France 3. On peut y lire : "Eviter la fast fashion c’est faire un geste pour l’environnement."

Qu’elles s’appellent Keep It Vintage ("garder-le vintage") ou No fast fashion ces ventes jouent délibérément sur l’anti-consommation et l’aspect revendicateur. Ce que les organisateurs vendent : l’impression de participer à une révolution, de faire une bonne action en chinant dans ses bacs des vêtements. Précisions que l’initiative est commerciale et non solidaire et les vêtements plutôt récents. Car oui, vous trouverez principalement des articles d’occasion portés dans les années 90 et 2010, pas plus pas moins. No fast fashion a un logo impactant, un message à caractère revendicatif sur fond noir : c’est ainsi que l’on repère l’évènement. Le no prédomine. Ici, on sauve des vêtements … en se faisant plaisir à petit prix. Ou pas, car la note monte très vite surtout avec des manteaux et autres blousons !


Cet article s'inscrit dans la série CMCM « Ma conso, ma seconde main ».
Clémence Aulas, spécialiste de l’achat de seconde main y revisite ses habitudes de consommation. Ancienne accro au shopping, aujourd'hui convertie au troc, elle démontre qu'une vie de consommation circulaire, libérée des achats impulsifs, est non seulement agréable, mais aussi profitable.

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