blog main imageSociété

Shein Exchange : on a testé le pire site de seconde main

Hortense de Montalivet
20 février 2025
20 février 2025
Temps de lecture : 6 min

Après son lancement en France en juin 2024, la plateforme de seconde main Shein Exchange tente de s’imposer comme alternative écologique. Ses clients peuvent y revendre leurs articles. Huit mois après sa sortie, aucun retour. CM-CM.fr se dévoue.

Le géant chinois de l’ultra-fast fashion voit vert depuis quelques mois. Après s’être offert en 2024 une tournée de publipostages sophistiqués dans les médias féminins, Shein a embauché en fin d’année l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, comme conseiller RSE. Plus récemment, sur BFMTV, la marque s’est vantée de promouvoir un modèle révolutionnaire avec "un taux d'invendu proche de zéro". Il faut dire que depuis plus d’un an, l’enseigne est dans le viseur des politiques françaises : votée à l’unanimité à l’Assemblée en mars 2024, la loi anti-fast fashion (toujours en attente d’examen au Sénat) encadre les pratiques d'une marque comme Shein, épinglée depuis sa création pour son impact environnemental et social.

Shein Exchange, page acceuil et avis du site seconde main
Capture d’écran de l’interface d’accueil du site Shein Exchange, le 17 février 2024.

Alors il y a quelques mois, en juin 2024, l’enseigne chinoise dont les bénéfices atteignent les milliards de dollars s’est lancée dans la seconde main. Avec sa plateforme baptisée Shein Exchange, la marque plébiscitée en France, diversifie son offre en proposant son "Vinted" spécialisé en vêtement Shein. Qui promet de faire attention à l’environnement en plus d’acheter encore moins cher.

Shein Exchange : quel retour d’expérience ?

Huit mois après son lancement en France, aucun retour n’existe tandis que les articles de presse s’étaient multipliés en juin dernier pour annoncer son démarrage. Pour vous en dire plus, CM-CM.fr s’est prêté à l’exercice, bien décidé à passer commande pour vivre l’expérience Shein seconde main.

Je n’ai jamais acheté un vêtement chez Shein, mais je croise régulièrement (et de plus en plus) leurs articles en friperie. Le design et les tissus sont souvent attrayants. De loin seulement. Une fois sur soi, j’ai souvent eu l’impression que c’était mal taillé et que le grammage des tissus manquait de consistance. Mais je décide toutefois de plonger dans l’expérience "Shein exchange" sans idée préconçue.

Pour ce test, je vais tenter de trouver une tenue un peu chic, mais confortable en m’imaginant être la fille de Christophe Castaner âgée d’une vingtaine d’années.

Je vais essayer d’obtenir une panoplie complète, du tee-shirt à la chaussure, sans oublier le manteau. J’aimerais que le rendu fasse de suffisamment bonne qualité pour être utilisé plusieurs fois, je vais donc quand même garder un œil sur les matières.

Le Vinted de Shein : un site simple

Après avoir tapé "Shein Exchange" dans la barre de recherche, vous devez d’abord scroller pour atteindre le site de seconde main, Google affichant automatiquement le site de première main avant tout.

Une fois dégoté, le site de revente vous fait passer par une sommaire présentation censée vous guider dans votre navigation. Au milieu, un bouton pour ajouter vos articles Shein à revendre (si vous en avez, on ne juge pas). À gauche l’accès au menu de vêtements déjà en ligne. À droite, votre profil où vous pouvez retrouver vos commandes et paramètres. Sur le texte d’accueil, la marque se surnomme "pre loved" pour "déjà aimé".

Je suis surprise de prime abord par le format du site. Je suis sur mon ordinateur et il s’affiche à la verticale, sous la forme d’une application. Il n’a pas l’air responsive pour s’adapter à un écran horizontal. L’utilisation semble de prime abord plus agréable sur un téléphone. Mais ça n’a pas l’air de gêner les développeurs qui ont probablement fondé leurs efforts sur un constat ces dernières années : un Français sur deux utilise son smartphone pour faire du shopping.

L’interface est par ailleurs est extrêmement simple et intuitive d’utilisation. Le design est minimaliste. Tons orangés clairs et gris-beige. Pas de fioriture. Impossible de se perdre. En comparaison, l’interface de Vinted semble presque chargée et compliquée.

À gauche, le texte d’accueil du site Shein Exchange. Le design est minimaliste. Cinq boutons seulement composent l’interface d’accueil pour près du double chez Vinted. La marque se surnomme "pre-loved", un autre nom marketing plus chaleureux donné à la seconde main. À droite, la page d’accueil de Vinted, plus chargé en possibilité de navigation. Captures d'écran, le 17 février 2025.

La promesse d’un "partage" à impact environnemental réduit

Avant de scroller pour accéder directement aux derniers vêtements mis en ligne par les clients, une petite présentation écrite de façon sympathique s’affiche. Juste au-dessus, une photo d’accueil très chaleureuse représentant trois jeunes filles qui se serrent joyeusement et tendrement dans les bras.

Photo et texte d’accueil du site Shein Exchange, le 17 février 2025.

"La mode" est une manière de "partager avec les autres" m’y explique-t-on. On m’ajoute également qu’ici je peux "renouveler ma garde-robe avec des pièces de seconde main" et que par là-même, je peux "réduire mon impact sur l’environnement". Inclusive et alléchante la promesse. Mais tout en sachant que Shein est une des marques de fast fashion les plus polluantes, puis-je décemment y croire ?

"Postez, validez et partagez sur les réseaux sociaux !"

Un petit tutoriel très simple vous indique ensuite la marche à suivre en trois étapes, pour vendre vos vêtements. La marque vous incite d’abord à faire du tri dans vos placards et repérer vos vêtement Shein. Puis vous prenez vos vêtements en photos et rentrez toutes les informations nécessaires. Vous attendez enfin la validation des équipes de Shein Exchange. Voilà votre vêtement made in China 100% polyester en attente d’une seconde (courte) vie.

Comment vendre sur Shein Exchange, un tuto en trois étapes made in Shein. Étape 1 "Faire du tri" dans ses vêtements Shein.

En cas d’achat, le tutoriel vous incite à partager la nouvelle sur les réseaux sociaux "pour encourager vos amis à rejoindre ce mouvement où la seconde main est à l’honneur".

Shein invite ses vendeurs à poster en cas d’achat pour "encourager" à la seconde main et faire évoluer son "mouvement".

À n’en pas douter, la première à faire des économies, sera bien l’enseigne qui va ainsi pouvoir bénéficier d’une publicité gratuite et d’un bon greenwashing. On note par ailleurs l’utilisation du mot "mouvement" pour évoquer le rassemblement autour d’un acte d’achat plus conscient. Shein ici n’invente rien, à l’instar du design de ses vêtements, copiés sur d’autres marques : elle reprend l’expression du mouvement social, repris lui-même plus tôt par Vinted.

L’expérience shopping "seconde main" de Shein

Une fois ces présentations générales faites, il est temps de passer aux choses sérieuses : soit dénicher notre tenue pépite.

Après un rapide coup d’œil, je constate que la sélection d’accueil propose beaucoup de vêtements de style mi-saison. Pas étonnant étant donné le renouvellement spectaculaire des collections que propose la marque : en 2024, c’est parfois plus de 53 000 références qui étaient mis en ligne par jour.

Parmi les habits disponibles sur Shein Exchange : beaucoup de petits pulls, de petits tops, beaucoup de mailles légères. Les vêtements sont présentés à plat sur un lit ou sur un cintre, selon les vendeuses. Et les tissus sont presque tous froissés. Pas de doute, on est bien sur de la seconde main avec des photos qui rappellent celles qui pullulent sur Vinted ou Leboncoin.

Pour affiner la recherche, des filtres, bien sûr, sont proposés. De quoi me rendre compte que le catalogue de catégories proposées est très varié pour la courte existence de ce site : 21 catégories en tout. Des "vêtements" à "l’automobile", en passant par la "téléphonie", les "jouets", les "fournitures pour animaux" la "décoration", le "plein air", les articles "bébés" et même "l’électronique". L’onglet "automobile" qui contient des accessoires est toutefois bien moins garni avec 29 articles proposés à l’heure où nous publions cet article, contre des milliers dans la catégorie "vêtements femme".

Après huit mois d’existence seulement, le site Shein Exchange propose 21 catégories de produits à la revente. La catégorie "vêtements femme" est la plus fournie avec plusieurs milliers d’articles.

Un détail, et non des moindres quand on s’appelle Shein, attire mon attention : les prix défient toute concurrence. 1 euros, 2 euros, 3 euros… C’est à se demander si le jeu en vaut la chandelle pour les vendeurs.

Les prix sont extrêmement bas. La plupart n’excède pas une dizaine d’euros. Capture d’écran du site, le 17 février 2025.

Par curiosité, je vais essayer de trouver l’article le plus cher de tout le site, toutes catégories confondus : il s’agit d’une perruque de cheveux naturels à 190 euros. Prix neuf : 214,51 euros.

Notre test du site secodne main de la marque d'ultra fast fashione Shein
Cette perruque extra longue faite à partir de cheveux naturels est l’article le plus cher du site Shein Exchange. "Très peu de pertes de cheveux", précise la vendeuse.

Scroller, malgré les filtres

Après avoir cliqué sur "femmes" dans le menu principal, je mets les filtres "neuf avec étiquette", "comme neuf" et "très bon état", celui de ma taille. La proposition est très large: du XXS au XXXL avec en plus une proposition pour les "petites". Un onglet "curvy" apparaît même également entre celui "femme", "homme" et "enfant", "chaussures" et "tout", dès la page d’accueil. J’ajoute la couleur "noir" à mes filtres et je pars en exploration.

Il me faut beaucoup scroller pour trouver des pièces qui m’intéressent. Je constate de plus que, malgré le filtre "taille" activé, on me propose des vêtements soit trop grands soit trop petits en plus.

Un short à qui a l’air un peu chic attire mon attention. Mais très vite je renonce, la chaine dorée me paraissant être en plastique et le tissu brillant. Son prix : 4 euros.

Short sur le site Shein Exchange, la marque d'ultra fast fashion en seconde main
Le short en question que je ne choisirai pas, la qualité ne me semblant pas suffisamment satisfaisante, malgré le prix très alléchant. Capture d’écran du site, le 17 février 2025.

Je repère une robe noire un peu couture en polyester, mais avec des poches (c’est suffisamment rare pour être soulignée) à 9 euros.

Robe de seconde main de la marque d'ultra fast fashion Shein
A gauche, la photo de la robe à poches qui attire mon œil au milieu des images de vêtements froissés. A droite, la description de l'article : 100% polyester, pas de doublure, pas de rembourrage, pas d’information sur les mesures.

Ainsi qu’un manteau d’aspect "moumoute", à 15 euros, en polyester également. Ce dernier est estampillé "manteau chaud d’hiver", mais il n’a pas de doublure.

Vêtement de seconde main de la marque d'ultra fast fashion Shein
Le manteau "moumoute" qui a attiré mon attention. La description indique une utilisation "hiver moins de 10°". Sans doublure et en 100% polyester, j’en doute fortement.

Malheureusement, ces deux vêtements proviennent de deux acheteuses différentes : je multiplie donc les frais de port (et le bilan carbone de mon panier), mais après exploration de leurs dressings mutuels, rien ne m’intéresse suffisamment pour mutualiser ma commande.

Lors de cette expérience, je remarque que je suis clairement plus attirée par les annonces qui mettent les photos officielles de Shein, alors que j’ai l’habitude d’acheter de seconde main et de chiner. Mais ici, les vêtements n’ont pas l’air d’assez bonne qualité et chiner ne se révèle pas être un moment excitant et joyeux sur cette plateforme. Je préfère m’en remettre au marketing photos de Shein pour faire mon choix.

Des promotions, encore des promotions

Il est temps de me créer un compte pour les réserver (qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour son travail…) Après une précision de Google qui m’informe qu’il partage désormais avec Shein mes coordonnées, je clique sur "passer commande".

À ce stade, je constate qu’aucune fenêtre de discussion me permet d’échanger avec la vendeuse. Ni maintenant ni plus tard. Choisir, acheter, la promesse est tenue. Pour l’expérience de partage promue en page d’accueil du site, on repassera.

Comme sur le site de première main, Shein m’incite automatiquement à acheter d’avantage. Une fenêtre pop-up séduisante s’affiche, me proposant de nombreuses réductions. Si je clique sur l’une d’elles, une nouvelle liste de promotions me sont proposées. Les bascules ne sont pas clairs et je ne sais plus si je suis toujours sur le site de seconde main ou non. Il semblerait que ces promotions renvoient plutôt vers de l’achat neuf.

Promotions sur le site d'ultra fast fashion Shein
Capture d’écran de l’interface d’accueil du site Shein Exchange, le 17 février 2024.

Je résiste à tous ces pop-up sans mal je dois avouer. L’expérience visuelle n’est pas très agréable et je trouve qu’elle n’est pas qualitative. De façon générale, je n’ai pas particulièrement apprécier faire du shopping sur ce site de seconde main. L’art de chiner est quasiment impossible à cause de la densité de vêtements en ligne de la même marque: partout on est sûre de tomber sur une pièce dont l’originalité du design, la taille et la matière laissent à désirer. Acheter, même trois euros, un vêtement en matière plastique, froissé et à la durée de vie ultra limité du fait de sa qualité, j’avoue que ça ne me procure ni joie ni excitation. L’attrait de la seconde main est il me semble dans la durabilité de l’objet, impossible ici.

Fin de parcours sur Shein Exchange

Mon exploration de Shein Exchange s’arrête ici, car je ne veux pas rentrer mon adresse de livraison ni mes coordonnées bancaires, après avoir lu dans la presse à plusieurs reprises que le stockage sécurisé des données n’est pas correctement garanti. Ces deux dernières années, plusieurs fuites d’ampleur de données Shein et un manque de transparence dans la politique utilisateurs (pour lequel l’entreprise a été condamnée en 2022) ont été constatées.

Par ailleurs, même si j’avais été jusqu’à commander, je dois avouer que la toxicité des produits utilisés m’aurait posé question. Certes, ils auraient déjà été lavés, au minimum une fois. Mais je ne pense pas que j’aurais aimé ces deux nouveaux vêtements à l’aspect jetable et aux matières 100% plastique dans ma garde-robe. Plusieurs études ont révélé en 2024 la présence de nombreuses substances toxiques, largement au-dessus des seuils de l’Union européenne (notamment de grandes quantités de phtalates, produits chimiques utilisés pour ramollir les plastiques, qui perturbent les hormones et créent -entre autres- des problèmes de fertilité).

D’après des inspections faites par la ville de Séoul au printemps 2024, une paire de chaussures contenait 428 fois les niveaux autorisés de phtalates et trois sacs avaient des quantités allant jusqu'à 153 fois la limite.

Le média de la seconde main
Newsletter
Logo C moins C coeur


facebook icontwitter(X) iconinstagram iconlinkedin iconlinkedin icon

Notre newsletter

Subscribe to our newsletter

Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.
JE M'INSCRIS