Exclu. Lancée en 2022 par l'influenceuse Clara Victorya, l'application Unique avait fédéré une communauté active de passionnés de friperies. Disparue depuis quelques mois, ses données n'ont pas été perdues : toutes les adresses recensées ont récemment été injectées dans une carte géante développée par un service public aux ambitions grandissantes.
Pas de post d'adieu, pas de long communiqué. Unique, lancée en 2022 par l'influenceuse pionnière dans l'univers de la seconde main, Clara Victorya, a discrètement cessé d'exister. Seul un mail a été envoyé aux utilisateurs. Ce projet, né à l'intersection de la tech et de la culture de la seconde main, proposait une carte collaborative des friperies.
L'ambition était forte : permettre aux utilisateurs de géolocaliser les adresses vintage autour d'eux, en France et en Europe. En deux mois d'activité seulement, l'application enregistrait 40 000 utilisateurs et un réseau de 80 friperies partenaires. Un succès notable dans le milieu de la fripe. Mais trois ans plus tard avec 100 000 téléchargements au compteur en juillet 2024, le projet s'arrête, faute de modèle économique. Bonne nouvelle, les données n'ont pas été perdues. Le service public reprend le relais. Elles figurent aujourd’hui à la carte nommée Longue vie aux objets, développée par l'Agence pour la transition écologique (Ademe) via sa start-up interne dite start-up d’État. L'apport d'Unique, avec ses centaines de friperies, renforce un outil pensé comme une infrastructure commune pour l'économie circulaire. Plus de 9 000 lieux y sont désormais référencés pour donner une nouvelle vie aux objets : ressourceries, réparateurs, brocantes, dépôts-vente, friperies…
Les friperies Unique disponibles sur Longue vie aux objets
La carte de l'Ademe s'appuie déjà sur plus de 50 sources différentes (parmi elles, Recyclivre, Réseau des Ressourceries ou encore ESS France) et compte bien aller en intégrer d'autres, dans des configurations comme Unique.
L'ajout des données de l'application Unique ne s'est pas fait à la hâte. Coline Laurent, chargée du déploiement de Longue vie aux objets, raconte à CM-CM.fr avoir pris contact avec Grégoire Deshusses, cofondateur d'Unique (Clara Victorya n’étant plus impliquée dans l’opérationnel) pour envisager une reprise. L'équipe a naturellement accepté le transfert des adresses, sans contrepartie. "Ce sont les utilisatrices et utilisateurs qui ont ajouté les adresses et les ont maintenues à jour", souligne l’entrepreneur, évoquant l’"aventure collaborative" de la plateforme. Coline Laurent souhaite rendre cette histoire publique. "Et si on racontait cette histoire ? Une startup qui échoue, mais qui fait le choix de léguer à l'intérêt général", propose-t-elle à CM-CM.fr.
Les enjeux derrière une carte de France des friperies
Ce geste soulève plusieurs enjeux. Il rappelle d'abord la fragilité des projets tech portés par des indépendants ou créateurs de contenu : visibles, mais souvent sans modèle économique viable. Le développement de ce type d'outil est très onéreux. Le budget annuel pour le service numérique Longue vie aux objets dépasse les 900 000 euros en 2024.
En miroir, cette reprise souligne la capacité d'une institution publique à capter, prolonger et faire vivre une initiative née ailleurs. Unique n’a pas "scalé", comme on dit dans le jargon des start-up, c’est-à-dire qu’elle n’a pas réussi à changer d’échelle. Mais ses données, son usage, son utilité ont trouvé un point de chute. Et un second souffle.
Une grande carte des commerces de la seconde main en construction
La start-up Longue vie aux objets poursuit l'enrichissement de sa carte, avec l'ambition d'en faire la référence nationale des lieux de seconde main. Trois leviers guident ce développement : la veille sur les nouveaux acteurs, la collaboration avec les collectivités et la contribution citoyenne.
Mais ce dernier levier reste difficile à mobiliser. "Nous ne sommes pas des Youtubeurs avec des communautés ultra-engagées, contrairement à l'équipe d'Unique", reconnaît Coline Laurent. Le Tour de France des fripes mené par Clara Victorya, pensé comme un road trip, avait offert un coup de projecteur inédit au secteur. Une force de frappe dont la start-up rattachée à l'Ademe ne dispose pas. En moyenne, seules deux contributions citoyennes sont enregistrées chaque jour, pour signaler une modification ou proposer un nouveau lieu.
Ce qu'on retient : une start-up peut en cacher une autre. Cartographier la seconde main est toute une aventure. Et parfois, les cartes aussi ont plusieurs vies.
Illustration
A gauche : L'application Unique.
Crédit : Mbabmb
A droite : La carte Longue vie aux objets. Consultable ici


Voir aussi : "Je n’achète pas de la seconde main pour l’écologie" : 5 actualités des réseaux sociaux