Emmah Joyce révèle la valeur émotionnelle et l'héritage de la seconde main, où chaque objet raconte une histoire. CMCM va a sa rencontre pour explorer comment des pièces ordinaires se transforment en symbole.
C’est haut perché, du dernier étage de son appartement parisien, presque dans les nuages, qu’Emmah, nous ouvre les portes de son “appartement thérapie”. La magie du spectacle opère au lever du soleil. L’appartement n’a pas besoin de décor, c’est la vue qui habite les lieux.
Atypique aux multiples vies
Cette femme à la pudeur sans pareille, nous partage avec une très grande sincérité le combat qu’elle mène pour rendre plus beau son quotidien et améliorer celui des autres. Résumer Emmah en quelques mots est difficile tant elle a pu avoir de vies.
« Je ne veux pas me définir, je suis un profil atypique dans l’âme. Je suis une citoyenne engagée de la tête au cœur. »
L’on pourrait dire qu’elle est une artiste, une créative, une femme pleine de vie. Et sa consommation est à son image, chargée d’histoires et de valeur émotionnelle.
Elle est née pour le partage et sa mission de vie est de donner. Gare néanmoins à ne oublier le h de son prénom, elle y tient, c’est elle qui l’a apposé comme le signe d’un nouveau départ, d’un nouveau souffle. Emmah se dit survivante. C’est la première fois que cette artiste aborde publiquement une page de l’histoire de sa vie, celle d’otage au Moyen-Orient. Une plaie supplémentaire au cœur de cette femme sensible.
C’est avec beaucoup de résilience qu’Emmah aborde ce sujet pour raconter que tout le reste est léger, que nos actions ont beaucoup de sens, que chaque moment de vie permet de s’élever.
« Mon passé m’a permis de sublimer mon être. Le bonheur est quelque chose qui s’apprécie de l’intérieur. »
Le CMCM d'Emmah
Le "moins" de "consomme moins" passe par l'identification des besoins et le budget qu’Emmah alloue à ses dépenses, limitant ainsi les achats impulsifs, les achats qu’elle nomme “pansements”.
Elle consomme assez peu, prolonge la durée de vie de ses objets et achète ce qui lui procure de la joie selon les trois critères qu’elle s’est fixés : le beau, le juste et le bon.
Le "mieux" se traduit par l'orientation du choix d'Emmah, toutes les fois où elle le peut, vers un achat raisonné qui est souvent d’occasion pour le bonheur que lui procure une pièce ayant déjà eu une histoire.
En quête d’un modèle précis, elle écume les plateformes de revente et les boutiques d’occasion pour trouver l’objet tant convoité, ce qui lui confère une grande joie.
« Dénicher de la seconde main comme un trésor. »
Histoire, mouvement, valeur et fêlure de la seconde main
Emmah achète d’occasion, offre et reçoit aussi des objets ayant une première vie.
« Une fois lu, un livre s’offre. Il circule, passe de main en main. La seconde main est un héritage d’expériences qui ont prouvé leur pertinence ! »
Elle aime ce qui n’est pas neuf pour les accrocs.
« La seconde main a une histoire, ce qui fait écho à ma propre histoire. La seconde main, c’est des fêlures, des accrocs. C’est finalement mon parcours. »
Ce qu’elle a dans son vestiaire, Emmah le porte. En témoigne sa casquette fétiche qu’elle ne quitte pas. Achetée en friperie, il y a une vingtaine d’années.
« Elle est vintage, hors d’âge, et pour rien au monde je ne la changerais. Cette forme et cette couleur hétérogène correspondent à mon besoin implicite : celui d’abriter mon regard teinté de tout ce vécu, et paré de ce voile ombragé qui, paradoxalement, me protège. »
Ce dont elle a besoin, elle le trouve en partie dans l’offre d’occasion. Et même ce qui rebuterait certains : la chaussure.
Trouver chaussure à son pied en seconde main, c’est possible
Emmah qui aime la basket confortable voit en la seconde main un autre avantage : pouvoir s’offrir la paire idéale à prix réduit, de 50% à 80% du prix neuf. Le temps à consacrer pour trouver “ la pépite “ n’est pas un problème, cela fait même partie du jeu pour elle.
Les marques de chaussures qu’elle affectionne sont assez onéreuses. Compter 260 euros pour cette paire neuve de sneakers de la marque italienne Womsh qui allie look et confort. Achetée 40 euros sur Vinted en excellent état. Elle la porte comme un bijou pour habiller une tenue.
« La somme économisée, je peux la donner pour des causes ou offrir un restaurant à mes proches. C’est utile ! »
Emmah est extrêmement vigilante à l’état et la propreté du produit et n’a jamais été déçue. Elle n’achète que des paires neuves ou très peu portées.
La chaussure, plus que toute autre partie du vêtement
Emmah nous donne matière à discuter de bien des sujets et à questionner notre rapport global à la consommation. Mais c’est sur la chaussure qu’elle s’est spontanément arrêtée. Car c’est la pièce de son vestiaire qu’elle renouvelle le plus (bien que peu) mais surtout pour le symbole. La chaussure est une image et la langue française, qui lui est très chère, n’est pas avare d’expression dans le domaine.
« Trouver chaussure à son pied, partir du bon pied, dans ses petits souliers, bien dans ses baskets. »
De la seconde main à la seconde chance, il n’y a qu’un pas
Emmah souhaite généraliser l’idée selon laquelle la différence est une chance et en particulier celle des enfants avec un trouble de l’attention, à qui elle enseigne notamment le français et l’anglais avec les jeux de cartes qu’elle a créés.
« Il n’y a pas d’étiquette. L’unicité est un cadeau. »
Emmah a conçu une méthode ludo-pédagogique sous la forme de jeux des sept familles pour apprendre les fondamentaux de la langue française.
« J’ai imaginé bo(lo)ss en français afin qu’ils passent de boloss - insulte dont ils sont affublés à l’école - à boss. Avec le jeu, ils retrouvent confiance. C’est grâce à un mode d’apprentissage qui est différent. »
« J’ai la sensation de transformer cette part de souffrance en un diamant. »
Photos et interview par Maurane Nait Mazi