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Portrait d'une ancienne accro au shopping | Clémence, religion seconde main

Maurane Nait Mazi
05 mars 2023 - actualisation le 1er juin 2024
05 mars 2023 - actualisation le 1er juin 2024
8 min

Clémence Aulas, une angevine de 32 ans, nous accueille chez elle, où elle vit depuis sept ans avec Arnaud et leur spitz nain, Roco. Passionnée par les rencontres, les balades et dotée d'un humour affuté, Clémence est une fervente adepte de la seconde main. Elle ne jure que par ce mode de consommation et ne se contente pas de le pratiquer pour elle-même. Elle encourage massivement son adoption et œuvre pour sensibiliser le plus grand nombre. Rencontre avec une ancienne accro au shopping.

Un sac orange sur table de la salle à manger de Clémence, d'autres sac sont plus loin sur la table et en arrière plan sa bibliothèque de livres chinés
“ La seconde main est ma religion. ”

Dynamisme salutaire dans l'écosystème nantais de la seconde main

Cette habitante de Nantes fait preuve d'une grande ingéniosité pour apporter sa contribution et aider. Elle est toujours prête à donner un coup de main et les commerçants peuvent compter sur elle. Elle est la première à se porter bénévole pour trier des objets en boutique solidaire (voir notre reportage sur la Trocquerie), partager des actualités, et à mettre en avant des initiatives locales sur les réseaux sociaux.

Clémence est une fervente adepte de la seconde main, à tel point qu'elle a réussi à convertir une partie de ses proches qui n'étaient pas convaincus à l'origine. Son dynamisme est rafraîchissant, et elle est polyvalente et déterminée. Pendant notre semaine de tournage, nous avons observé son désir de rassembler les gens autour des changements de pratique de consommation. Son rêve : que Nantes devienne la capitale de la seconde main.

Sacrée seconde main !

Selon l'ADEME, alors que l'achat de produits neufs est considéré comme une norme d'achat pour 75% des Français, plus de la moitié (54%) considère également l'achat d'occasions comme une norme. Pour Clémence, la seconde main est plus qu'une norme, c'est sacré. Elle en fait un élément fondamental de sa vie. Nous avons affaire à une véritable passionnée qui aborde en réalité avec mesure des sujets qui lui sont chers aujourd'hui : la surconsommation, le pouvoir d'achat, l'accessibilité de la mode et les fausses tendances.

Clémence assise à même le sol de son salon avec un vase orange sur la table basse

Le CMCM de Clémence

Le “moins” de “consomme moins” passe pour elle par la réflexion avant chaque achat. Distinguer l’achat plaisir de l’achat compulsif. Un travail qu'elle a mené, qu'elle explore et qui porte ses fruits.

Le logo Consomme Moins
Consomme Moins

Le “mieux” passe par sa vision assez dogmatique de la seconde main.

Le logo Consomme Mieux
Consomme Mieux

L'addiction au shopping : toxique financièrement

Discuter du pouvoir d'achat peut être délicat, mais Clémence a choisi d'aborder ce sujet ouvertement. C'est l'aspect économique qui l'a incitée à repenser sa manière d'acheter. Elle nous invite à questionner ensemble ce sujet. Clémence partage, "Mon talon d'Achille, c'est l'habillement. Cela représente une grande partie de mes dépenses, environ 100€ par mois. Après avoir été licenciée pour des raisons économiques et être devenue chômeuse, j'ai dû revoir mon budget. C'était un bon exercice pour moi, mais pas facile." Clémence a utilisé cette situation comme une opportunité pour expérimenter et réévaluer ses dépenses.

"Je voulais tester l'impact d'une réduction significative de mes dépenses, voire de ne plus dépenser du tout."

Table de la salle à manger de Clémence avec un vase chiné et un flacon de parfum Dyptique
Table de la salle à manger de Clémence avec un vase et une tasse chinés dessus

Cette grande consommatrice a commencé à remettre en question ses habitudes de consommation, ce qui lui a permis de suivre ses dépenses de près. Elle s'est demandé :

"Qu'est-ce qui est vraiment lié à mes besoins ? Qu'est-ce qui est lié à mes envies, à des stimulations extérieures ? Il est évident qu'Instagram suscite des envies que je n'aurais jamais eues auparavant."

Cette période a été un véritable tournant. Elle a cessé de reporter le changement et a commencé les réajustement afin d'adopter des habitudes plus saines. Elle se demande désormais : "Est-ce que ce sac va avec au moins trois tenues ? Est-ce que je l'aimerai toujours dans 6 mois ? Est-ce que je me vois encore avec ce sac dans 10 ans ?" Si la réponse à une de ces questions est non, elle ne l'achète pas.

Cela soulève la question de la durabilité du plaisir dans l'achat : est-il éphémère ou pérenne ? Elle a relevé le défi de ne pas acheter de mode ni d'accessoires pendant trois mois.

"Qu'il s'agisse de seconde main ou de neuf, pendant 3 mois, je me suis engagé à ne plus rien acheter."

Clémence raconte sa vision de la seconde main assise au sol de son salon

"La seconde main coûte moins cher que le neuf, c'est tentant."

On peut trouver de belles pièces à des prix très bas. Avec le même budget, il est possible d'acheter deux à trois fois plus d'articles que si l'on optait pour du neuf. La tentation d'acheter davantage est forte, et souvent, on y succombe. C'est ce qu'on appelle l'effet rebond.

Clémence assise au sol dans son salon
Un vase orange sur la table du salon de Clémence

Les prix « cassés » offerts par la seconde main : la traduction de l'effet rebond

L'expérience de Clémence souligne l’effet rebond dans le secteur. Les achats impulsifs ou pour le plaisir concernent autant la seconde main que le neuf. Que ce soit sur le marché de la manufacture de produits neufs ou celui de l'occasion, une majorité de consommateurs flâne sans projet d'achat précis, sur les plateformes en ligne comme dans les magasins physiques. C'est ce que révèle la récente étude de l'ADEME. Oui, en seconde main on sur-consomme aussi !

Le bilan du défi déconsommation de Clémence

Pour se mettre à l'épreuve, elle envisage un défi de trois mois où elle n'achète rien. Résultat : aucune dépense ? Non, un seul achat à Saint-Malo. "Parce qu'à Saint-Malo, il pleut", ironise-t-elle.

“J’ai dû m’équiper de bottes pour ne pas finir trempée. Un achat besoin. Je me suis dit c’est cool, je pourrais les ressortir à Nantes. Mon mec m’a aidée à les choisir. J’étais dans un moment de restriction d’achat, j’ai pris le temps de m’interroger. C’était un très bon moment en y repensant.“

Elle nous raconte en détail un achat utile dont elle est très satisfaite. Un échec ? Pas du tout, Clémence considère avoir réussi le pari. Ce qui importe pour elle, c'est moins le résultat que l'expérience acquise. Clémence a découvert comment se permettre plus de loisirs et acheter ce qui lui procure du plaisir à moyen ou long terme.

“J'ai revu mes perspectives d’achat, identifié mes points de douleur et de frustration. Avant, je craquais toutes les deux ou trois semaines, mais cette diète m'a permis de réaliser que ce que j'avais sur ma liste d'achats il y a trois mois n'était qu'un plaisir éphémère.“

La table de la salle à manger de Clémence avec une tasse orange chinée

Acquérir en seconde main : acheter, vendre, prêter, échanger, donner et recevoir

Clémence acquiert de la seconde main de bien des façons.

Un pictogramme symbolisant le troc avec des lunettes
1) Clémence achète, cela signifie qu'elle échange un bien contre de l’argent.

Clémence fait ses achats dans les vide-greniers et les boutiques solidaires en périphérie de Nantes, comme chez Emmaüs. Elle a un bon œil, est patiente et adore dénicher des trésors. Pour soutenir les commerçants locaux de Nantes, elle achète aussi certaines pièces en centre-ville, comme une paire de lunettes à la Recyclerie des Lunettes.

Un pictogramme symbolisant le troc entre des couverts et un sac à main - à la Trocquerie nantaise
2) Clémence troque, ce qui signifie qu'elle échange un bien contre un autre.

Pour la démarche et par passion aussi, elle troque. Elle se sépare quotidiennement d'objets en les échangeant dans la boutique nantaise spécialisée en troc. Par exemple, elle a troqué des ustensiles de cuisine contre ce sac.

Clémence montre un sac à main qu'elle a troqué contre des ustensiles de cuisine à  la Trocquerie de Nantes
Clémence montre un sac à main qu'elle a troqué contre des ustensiles de cuisine à  la Trocquerie de Nantes

Porter ce sac la rend fière. Il appartenait à la mère d'Agathe, la fondatrice de la Trocquerie, et connaît maintenant une seconde jeunesse. "Je l'aime aussi parce qu'il est revival 90-2000," précise-t-elle.




Lire aussi : La seconde main qui ne s'achète pas mais qui se troque

Symbole représentant le troc de meubles vintages
3) Clémence donne, ce qui signifie qu'elle abandonne la propriété d’un bien sans contrepartie.

Clémence est à la fois donneuse et réceptrice. Occasionnellement, elle utilise l'application GEEV pour chercher des objets donnés dans son quartier. C'est une application gratuite pour le don d'objets entre particuliers. Grâce à une annonce partagée par une amie, elle a pu recevoir un meuble hi-fi en Plexiglas des années 70 qui lui plaît beaucoup. Un couple dans sa rue s'en débarrassait. Le meuble a trouvé sa place naturellement dans son salon, et elle ne le vendrait pour rien au monde. "Si on déménage, il nous suit ! Je ne m'en séparerais pas", dit-elle.

Le meuble hi fi en plexiglas vintage que Clémence a chiné sur GEEV

Une passion pour les sacs à main, de seconde main


Clémence est une acheteuse de sacs. Elle affectionne particulièrement ceux portés à l'épaule et en possède une dizaine dans son dressing. Les couleurs vives, les motifs et les imprimés lui plaisent. Clémence nous présente sa petite collection, raconte leur provenance, son prix et explique ce qui l'a guidée dans son choix. Par exemple, elle a acheté un sac en cuir de la marque Herault pour 1€ chez Emmaüs.

Les sac à main que Clémence a acheté de seconde main
Les sac à main que Clémence a acheté de seconde main

Clémence posant avec en main ses sacs à main de seconde main
Un zoom sur les sac à mains de seconde main achetés par Clémence
ac à Clémence tenant dans les bras un sac à main “classique” en cuir Herault de couleur noire acheté à Emmaüs.


Vrai ou faux, peu importe

Elle a succombé à l’achat d’une grossière imitation d’une marque de fast fasion qu'elle appelle ironiquement son "Jacquemous". Ce sac qu'elle porte quotidiennement a été acheté 10€ sur Vinted. Elle nous confesse qu’elle n’en est pas fière mais qu’elle l’adore.

"J’adore le orange. Je suis dans une année orange. Ce sac un vrai faux. Ça me fait rire de le porter. C’est très second degré."

Clémence tenant en main un sac à main de couleur orange acheté sur Vinted
Le sac à main orange chiné par Clémence posé sur la table de sa salle à manger

Bien qu'elle apprécie le travail artistique de Simon Porte Jacquemus, elle n'envisage pas de dépenser plus de vingt euros pour un sac. Elle n'achète pas de maroquinerie de luxe. Difficile d'acquérir un authentique sac de créateur à ce prix. Pourtant, elle ne désespère pas et reste convaincue qu'elle en trouvera un un jour.

"De toute façon, le style n'est pas une question de prix ! Regardez, ma patience a payé. J'ai voulu cette pièce de mobilier chez moi depuis longtemps. Un Ikea vintage acheté pour 50€ sur Leboncoin. Qu'il soit authentique ou non importe peu, c’est son esthétique que je valorise, pas sa cote."

Une chaise Ikea chinée sur Leboncoin avec un coussin dessus
Zoom sur la chaise chinée par Clémence


Une passion pour la déco seconde main aussi



La salle à manger est habillée de vaisselle de style rococo de Limoges, une table en Formica, de beaux luminaires et des livres de design. Un mélange d'articles chinés localement avec des touches de vert et de jaune, peut-être un clin d'œil à Nantes. Clémence mélange habilement le vintage, prouvant que l'élégance est permise par les objets d'occasion. Les murs blancs de cet appartement nantais sont ornés de tableaux mobiles, sans aucun cadre fixe. Elle souhaite donner vie aux tableaux, en changeant constamment leur place. C'est "changer sa déco sans nouveau tableau", comme elle le précise. Les éléments sont disposés de manière à pouvoir être modifiés selon les humeurs, créant ainsi une composition dynamique.


Lire sur le même sujet : Amoureuse des objets d'occasion, Louise casse les codes du bon goût

La table en formica et les chaises chinées par Clémence pour sa salle à manger
Zoom sur la table en formica et les chaises chinées par Clémence pour sa salle à manger
Clémence marchant dans son salon au milieu de meubles et objets chinés


La sélection personnelle de bonnes adresses à Nantes

  • La Trocquerie pour le concept, ses trésors et la mission d'Agathe.
    23 rue Petite Biesse
  • La Recyclerie de Lunettes pour le professionnalisme, des produits incroyables et rares ainsi que la gentillesse de Sonia.
    LRDL 2 bis Rue Paré
  • Les Insolites de Nantes pour le regroupement de professionnels, un mini Saint-Ouen.
    110 Bd des Poilus
  • Mais aussi Sain pour faire une pause et boire un verre.
    93 Rue Maréchal Joffre
  • Le disquaire Osmose, "sans qui la vie est moins belle".
    60 Rue Maréchal Joffre

La communicante et la seconde main

Clémence est une professionnelle de la communication depuis 11 ans. Elle a envisagé de travailler dans le domaine de la seconde main, mais n'a pas encore trouvé l'emploi de ses rêves. Aujourd'hui, elle prend plaisir à rédiger du contenu sur la comptabilité, après avoir travaillé dans des secteurs d'activité variés, comme les protections hygiéniques. Elle est toujours prête à relever de nouveaux défis! Depuis la parution de son portrait, Clémence contribue au développement de notre média en parallèle de son activité principale.

Lire ses éditos sur le sujet de l'influence : Transition étonnante de la seconde main au neuf dans l'influence : décryptage du point de bascule

Lire aussi : la revue de presse mensuelle des réseaux sociaux

Photos et interview Maurane Nait Mazi

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