LA REVUE DES RESEAUX n°5 - CMCM passe au crible les réseaux sociaux pour vous offrir une veille des actualités de la seconde main chaque mois.
Au sommaire en novembre 2024 :
1. Une campagne d’influence décalée pour sensibiliser à la collecte des textiles usagers
2. Un programme d’éducation à destination des influenceurs pour lutter contre la fast fashion
3. Un réseau de boutiques éphémères qui adopte les codes de la fast fashion
1. Refashion : la collecte de la "culotte moche" de Natoo
Refashion, l’éco-organisme de la filière textile d'habillement, linge de maison et chaussure, s’associe à Natoo, pionnière de l’influence et créatrice de contenu depuis plus de 14 ans (5 millions d’abonnés sur Youtube et 4 millions de followers sur Instagram) pour créer un contenu éducatif.
Du 7 au 21 novembre, l'organisme et l'influenceuse s'associent pour mobiliser les citoyens autour de la collecte de textiles et chaussures usagés. La campagne "Refashion Collecte Awards", fidèle à l'univers décalé et léger de Natoo, adopte un ton ludique et engageant. Cette approche permet à l'annonceur d'encourager le public à donner une seconde vie aux textiles et chaussures usagés, avec à la clé une rencontre exclusive avec l'influenceuse lors d'une soirée privée.
L'influenceuse inspirée par la seconde main
Quelle influenceuse est désormais légitime pour porter le sujet de la prévention et la gestion des textiles usagers sur les réseaux sociaux à l’échelle nationale ? Nathalie Odzierejko aka Natoo.
À 39 ans, Natoo s’est tournée vers la seconde main, revendiquant activement ce choix sur ses réseaux sociaux après un passé marqué par la fast fashion. Son engagement se reflète dans ses vidéos FAQ, où elle questionne son rapport au vêtement et à la déconsommation.
Elle pousse également cette démarche sur Twitch avec ses "Brocante Explorer", en référence au GP Explorer de Squeezie, deuxième plus gros Youtubeur de France.
Vidéo Youtube intitulée "Le tout premier Brocante Explorer", disponible sur la chaîne secondaire de Natoo, Natoo Best of Twitch, dédiée à l’hébergement de ses lives Twitch
Le ton décalé de Natoo pour sensibiliser
Pour promouvoir l'opération "Refashion Collecte Award", le duo "marque-influenceur" s'associe autour d'une campagne à la fois pédagogique et divertissante. Dans un reel Instagram, Natoo s’adresse à sa communauté avec son humour décalé habituel. Elle met en avant une "culotte moche" comme exemple de vêtement à jeter et réalise une interview fictive entre une journaliste people (qu’elle incarne) et une benne à vêtements prénommée Ben Acollect. Ce format ludique mêle humour et informations pratiques, enrichi par des références pop culture telles que "La Voix" de Secret Story.
Les internautes sont invités à participer activement en documentant leurs propres dépôts textiles sur Instagram via le hashtag #riennesejette, avec à la clé un prix décerné par un jury.
De son côté, Refashion rappelle le message dans son feed et dans ses stories tout au long de l’opération (précision : des publications ont disparu depuis la fin de l’opération le 21 novembre). Le déroulé du concours est expliqué et décortiqué pour que les internautes ne ratent aucune information. Les publications détaillent les étapes du concours, ses modalités et les récompenses pour assurer une participation optimale. Les informations clés, partagées en stories, sont regroupées dans une story permanente.
Cette campagne rend le tri textile ludique pour mieux responsabiliser les internautes. En s’associant à Natoo, personnalité influente appréciée du grand public, Refashion espère atteindre de nouvelles audiences et inciter davantage de particuliers à adopter des habitudes responsables.
Environ 60% des vêtements triés sont revendus sur le marché de la seconde main (en France ou à l'international), 32,5% sont orientés vers le recyclage et 8,3% sont revalorisés (voir plus) : extrait de la vidéo postée sur le compte Instagram de Natoo, en novembre 2024
Lire aussi : "Very bad fripes": C'est quoi le problème des médias généralistes avec la seconde main ?
2. Vestiaire collective : changer la mode avec des influenceurs fast fashion
Vestiaire Collective, plateforme d'achat-revente de mode haut de gamme, s'engage dans la lutte contre la fast fashion en misant sur les influenceurs. Avec un programme éducatif innovant annoncé le 14 novembre, l'entreprise vise à transformer les pratiques de cinq créateurs de contenu.
Éduquer les influenceurs au "Think First, Buy Second"
Pendant six mois, Audrey Afonso (France), Yewande Biala (Royaume-Uni), Frederica Esposito (Italie), Amy Jackson (États-Unis) et Carefree Hamuyela (Allemagne) participeront à une expérience immersive concernant les impacts sociaux et environnementaux de la fast fashion. Le programme comprend des masterclasses, une série de vidéos éducatives et la visite d'une décharge de vêtements – destinée à leur faire toucher du doigt les ravages de la surconsommation. Le lieu exact reste pour l’instant inconnu.
Dans un post LinkedIn, Maximilian Bittner, directeur général de Vestiaire Collective, explique la stratégie de la marque : “Vestiaire collective est ravie de lancer sa nouvelle campagne confrontant l’une des tactiques marketing les plus puissantes de la fast fashion : l’influence”. Il déplore la "culture de la surconsommation" entretenue par les marques de fast fashion grâce au marketing d’influence.
Les profils sélectionnés ont tous un point commun : leur rôle actif dans la promotion de la mode jetable. Avec plus de deux millions de followers cumulés, ces influenceurs sont désormais en "cure de rééducation", chargés de partager leurs apprentissages. Le but : faire adopter le message devenu slogan de Vestiaire Collective, "Think First, Buy Second" (pensez avant, achetez ensuite), auprès des abonnés de ces repentis en formation.
"Changer la façon de faire la mode" avec des futurs "leaders du changement"
Contrairement aux précédentes campagnes, qui mobilisent des influenceurs déjà sensibles à la mode circulaire, Vestiaire Collective enrôle des créatrices de contenu éloignées de la question des impacts textiles. Interrogée par CM-CM.fr lors d’une rencontre publique organisée en collaboration avec la Fédération de la Mode Circulaire, Dounia Wone, directrice de l’impact de Vestiaire Collective, justifie ce choix par la mission de la marque : "changer la façon de faire la mode". Selon elle, "le but ici n’est pas de parler aux convaincus mais de faire changer les autres". Elle ajoute : "On croit qu’avec les bons outils, les influenceurs peuvent devenir des leaders du changement".
Audrey Afonso, ambassadrice France du programme de Vestiaire collective
Le 22 novembre, Audrey Afonso, sélectionnée comme ambassadrice française du programme, a annoncé sa participation dans une vidéo GTWM (Get Ready With Me – préparez-vous avec moi) publiée sur son compte Instagram. Elle y explique sa motivation : "Je suis hyper contente d’avoir rejoint ce programme éducatif pour en apprendre davantage sur la surconsommation et l’industrie de la fast fashion". Elle apparaît dans des vêtements trouvés sur Vestiaire Collective dont elle fait en parallèle la promotion.
Avant cette collaboration, un simple coup d'œil sur le compte Instagram d'Audrey Afonso montre des penderies débordantes et des collaborations avec des marques de fast fashion, comme Boohoo et Jennifer.
Vestiaire Collective contre la fast fashion : la guerre continue
Ce programme s’inscrit dans une stratégie plus large menée par Vestiaire Collective. En 2023, la plateforme avait marqué un tournant en bannissant 60 marques de fast fashion, comme Zara et H&M. Depuis, les campagnes se multiplient. En avril dernier, l’entreprise lançait l’outil "cost per wear" (prix par utilisation), illustrant qu’un trench Zara revient à 4,53 euros par utilisation, contre 0,84 euros pour un équivalent Burberry acheté en seconde main.
Avec cette démarche, Vestiaire Collective interroge et redéfinit la place stratégique de l’influence, considérant le rôle des créateurs de contenu comme un levier déterminant dans la transition écologique. Le rapport du Groupe III du GIEC sur l’atténuation du changement climatique considère, à cet égard, la capacité transformative des narratifs comme catalyseur des dynamiques de changement.
Depuis son annonce, les publications d’Audrey Afonso, ambassadrice France, mêlant collaborations avec des marques de fast fashion et achats fréquents, restent inchangées.
3. Five Vintage sur Tiktok : les codes de la fast fashion appliqués à la seconde main
Avez-vous déjà entendu parler du phénomène des boutiques éphémères Five Vintage ? Avec sa promesse de "mode éco-friendly" et vintage à "prix doux" affichée dans sa bio Instagram, Five Vintage intrigue. Pourtant, l'entreprise applique à la seconde main les codes de la fast fashion : volumes démentiels, prix cassés, horaires d'ouverture XXL, réassorts constants.
Des pop-up stores à Paris et Lille
Comment savoir où se trouvent les boutiques ? Instagram et TikTok. Five Vintage se fait remarquer avec ses pop-up stores dans des lieux comme Grenelle, Saint-Michel ou Lafayette. Chaque ouverture crée l'événement, attirant une clientèle avide de bonnes affaires et une génération jeune et connectée, influencée par les tendances des réseaux sociaux. Côté horaires, pas de coupure : 10h-20h 7 jours sur 7.
Viralité sur TikTok, succès en boutique
TikTok est un levier pour les boutiques Five Vintage, qui y partagent leurs lancements et les nouveaux arrivages. Ce format, inspiré des stratégies d’évènementiel et des campagnes autour des ventes au kilo, permet à la marque de maximiser sa visibilité auprès d’une audience jeune et connectée.
Côté produits, les vidéos mettent en avant des pièces tendance inspirées Y2K (comprendre années 2000), comme Diesel, Burberry ou Ralph Lauren. En réalité, il y a de tout, y compris du Zara, comme le montrent les internautes.
Five Vintage et les contenus UGC
Sur TikTok, les créateurs de contenu en herbe documentent leur "visite magasin", partageant leurs trouvailles à travers des vidéos appelées UGC (User-Generated Content). Ces contenus utilisateurs alimentent la rivalité du phénomène, incitant les abonnés à se rendre à leur tour en boutique.
Abondance, prix cassés, culture de l’instantané : l’effet pagaille et hard discount
Ce qu’on voit (on line et off line) : des vêtements à 2 euros et des stocks abondants. Un positionnement proche des géants de la fast fashion, misant sur les gros volumes et les bas prix. Il faut fouiller, parfois sur trois étages en boutique.
L'acteur de la seconde main utilise les codes marketing pour séduire une cible cherchant la quantité à petit prix.Ici, trouver des trésors incite à acheter plus que de raison. L'offre "ton poids en fringues gratuit" cumule 34 200 likes sur le seul compte d'une utilisatrice de la plateforme.
La promotion joue sur l'excès et la surenchère, attirant un public avide de maximiser les volumes à moindre frais. Sur Instagram, Five Vintage parle de thérapie par le shopping et "hypnotise" l’audience par la quantité de vêtements, toujours mal rangés.
Calqué sur la fast fashion, son succès repose sur l'instantanéité : susciter l'achat impulsif qui répond aux envies passagères plutôt qu'aux choix réfléchis. Les ventes spéciales du week-end, mises en avant sur les plateformes, rappellent les promotions permanentes de Shein et Temu. Cette urgence artificielle nourrit un sentiment d'opportunité - à saisir absolument.
Stratégie de viralité : esthétique brute
Le réseau de boutiques multiplie les teasers avec des visuels bruts, s'alignant sur l'esthétique "live" apprécié sur les réseaux sociaux pour les contenus bons plans. Cette communication immersive crée un engouement instantané.
Bien que Five Vintage affiche un positionnement responsable ("mode éco-friendly" en bio Instagram), l'entreprise partage de nombreux traits avec la fast fashion. Propulsée par TikTok, elle en est la petite sœur illégitime.
Rédatrices
Clémence Aulas
Maurane Nait Mazi
Catégorie : LA REVUE DES RESEAUX
CMCM passe au crible les réseaux sociaux pour vous offrir une veille des actualités de la seconde main. Les précédentes éditions sont en ligne :