Chaque mois, CM-CM.fr analyse les réseaux sociaux pour décrypter les grandes tendances de la seconde main et de l’économie circulaire.
📌 N°6 de la REVUE DES RESEAUX
TikTok, Instagram, YouTube… les réseaux sociaux sont devenus des caisses de résonance pour la seconde main. Alors que nous révèlent les contenus de mars 2025 ? Entre gentrification de la fripe, boutique Vinted à Londres, shooting décalé et prises de parole critiques, la seconde main dévoile ce mois-ci un visage ambivalent, où la consommation responsable fait face à ses propres contradictions. Voici cinq signaux faibles repérés en ligne.
1. Maison Cee : la repentie des hauls Vinted dénonce le capitalisme
Fin février 2025, une vidéo YouTube crée l'effet d'un pavé dans la marre. Céline – alias Maison Cee – y marque une rupture nette avec le format qui l'a fait connaître : le haul Vinted.
Dans Les shops vintage volent les vêtements des pauvres ?, l’influenceuse critique frontalement la gentrification de la seconde main, décortique ses influences et pointe le rôle des créateurs de contenu. Ancienne adepte des déballage de colis, elle assume son changement de cap : "Faire des hauls Vinted plusieurs fois par semaine avec plusieurs articles, ce n’est pas normal." On devient "des incubateurs à tendance jetable" affirme-t-elle face caméra.
"Vous ne me verrez plus jamais faire de hauls Vinted sur les réseaux sociaux."
Elle décrit un glissement : celui de la friperie populaire au marché élitiste, inaccessible aux plus précaires. "Aujourd’hui, le vintage, c’est un truc de jeunes actifs à 2 - 3 000 € par mois", note une voix dans la vidéo.
Céline opère un virage pour devenir une voix influente de l'anti-tendance. "J'ai arrêté les hauls Vinted, friperie, vintage… Je me suis rendue compte que c'était un outil du capitalisme tendance. Tout ça nous pousse à racheter le petit haut à la mode du printemps", explique-t-elle. Pour identifier ceux qui s'écartent de cette vision sur les réseaux sociaux, elle suggère un "bon indice" : "si un influenceur fait un vide-dressing plus de deux fois par an, c'est qu'il consomme trop, qu'il doute de ses choix et qu'il est victime des tendances."
La youtubeuse va plus loin : en conclusion, elle introduit une dimension politique, encore rare, de la seconde main. "Votez bien en 2027. Je rigole évidemment… enfin, pas vraiment", glisse-t-elle avec ironie en transition. Elle appelle surtout à lui redonner une portée sociale : "Il va falloir que les porte-paroles du vintage se responsabilisent sur leur impact social, pas seulement écologique."
2. Juliette Kitsch : "Je n’achète pas de la seconde main pour l’écologie"
Dans un reel publié le 5 mars, l’influenceuse Juliette Kitsch – 103k abonnés sur Instagram – confie sa motivation première à consommer de la seconde main, loin de l’écologie. "La première raison pour laquelle j’achète de la seconde main, c’est vraiment pour le style", affirme-t-elle, en assumant un choix esthétique.

La créatrice de contenu adepte des haul Vinted précise sa motivation : la seconde main est une "manière simple d’avoir un style unique" et parle même d’une "chasse au trésor". Les enjeux écologiques (gaspillage, conditions de travail, surconsommation) sont pour elle un "argument de plus".
Connue pour ses looks colorés et vintage, elle partage une réflexion personnelle, micro rose à la main et un choix identitaire : à ses débuts, elle était "trop jeune pour comprendre" les enjeux explique Juliette Kitsch. C’est l’attrait du jeu, du style et de la contrainte budgétaire aussi qui l’ont motivé à passer à l’occasion : "Moi j’ai plus un attrait pour la seconde main parce que je ne pouvais pas me payer des fringues de base."
Son cas résonne dans les commentaires. On peut lire : "La hess l’emporte sur la planète : j’ai le goût de la Ferrari mais le budget d’une Twingo". La pratique de la seconde main infuse sur les réseaux sociaux, en dehors des cadres engagés ou militants traditionnels.
3. Zoom dans la House of Vinted
Vinted a transformé l’hôtel The Adria à Londres en vitrine éphémère pour sa première boutique physique, la House of Vinted. Organisé les 21 et 22 mars, l’événement relève plus du fashion showcase qu’à un espace de vente. Accès sur invitation, pas de caisse sur place et une partie des bénéfices reversée à Oxfam UK.
Le concept : chaque chambre scénographiée par une influenceuse européenne, dans une ambiance "Vinted café". Les pièces sélectionnées – articles de luxe d’occasion de Prada, Jacquemus, Margiela – sont mises en ligne à partir du 25 mars.

Le décor soigné, les contenus taillés pour Instagram, les créateurs de contenu au casting (Giulia Valentina, Victoria Magrath, Simran Randhawa…), tout renforce l’idée que la seconde main peut flirter avec le haut de gamme.

Parmi les têtes d’affiche, Keiona, drag queen révélée par Drag Race France. L’ambassadrice française parle d’un rêve : "House of Vinted felt like a DREAM", écrit-elle. Une sélection personnelle, un shooting sur place, et un storytelling bien ficelé. Vinted fait de Keiona un visage de la mode circulaire premium et tendance.

Derrière les rideaux épais et les mises en scène élégantes, la plateforme renforce son ambition avec le récent service de vérification d’articles premium et la création de l’onglet "articles de créateurs", dédié aux pièces haut de gamme. Vinted consolide aussi son implantation au Royaume-Uni, longtemps difficile à pénétrer. En 2023, le tournant est amorcé : +61 % de chiffre d’affaires, 17,8 M€ de bénéfices nets (contre une perte de 20,4 M€ l’année précédente), selon Vogue Business. L’application est désormais visible partout, "dans chaque bureau de poste", note le média.
4. Une marque low cost glorifie la surabondance textile dans un shooting aux codes proches de Shein
Five Vintage publie le 9 mars un shooting photo intitulé "Fancy Chanel" sur Instagram. La marque de fripe aux boutiques éphémères à prix cassés y met en scène une mannequin adossée à des balles de fripes plastique. Le décor évoque les codes des hauls ultra-fast fashion : sacs plastiques entassés, vêtements jetés en masse, éclairage au flash. L’image rompt avec l’image associée à la seconde main. Elle rappelle les contenus en ligne de la marque Shein.
La mise en scène transforme l’accumulation textile – plutôt perçue comme un symbole de gaspillage – en élément désirable et à l’opposé des valeurs de sobriété.

Ici, le plastique blanc tranche avec la tenue rouge de la mannequin, renforçant la tension entre urgence écologique et glamour de l’abondance. La consommation de seconde main devient une performance, une mise en scène. La seconde main n’apparaît pas comme une alternative à la fast fashion mais plutôt comme un trophée.
Pour aller plus loin : Five Vintage : la surconsommation de la fripe glorifiée dans un shooting
La campagne de Five Vintage confirme une stratégie fondée sur l’excès, en contradiction avec des objectifs écologiques. Depuis sa création en 2023, la marque multiplie les opérations marketing agressives comme "-40% sur son panier à partir de 80 articles", "Gagne ton poids en vêtements" et "Cashmere à 2 euros". (Voir plus).
5. Cette ex-influenceuse Shein passe à la fripe et au vintage
Hier, elle vantait Shein. Aujourd’hui, elle parle friperie. Ex-ambassadrice de la marque chinoise, Claire Latour a changé de discours. Fini les vidéos de déballage de colis en échange de vêtements gratuits, après avoir pris du recul, la créatrice de continu a découvert les impacts de la mode jetable à petit mini : maxi pollution et conditions de travail précaires.

Depuis la diffusion du documentaire Shein : Enquête sur le géant de la fast fashion auquel elle a participé et dévoilé l’envers du décor de l’industrie, elle partage ses achats dans des friperies sur ses réseaux sociaux, comme un perfecto d’occasion acheté à 30 euros. Elle appelle ses abonnés à "brancher vintage" car "c’est la vie". "Je trouve toujours des pépites !" déclare t-elle au sujet de la seconde main.
Ce virage montre la capacité des influenceurs à réorienter leur audience vers la mode circulaire. Un pivot crutial mais rare. Un exemple attendu par Vestiaire Collective pour ses ambassadeurs. La plateforme de seconde main a récemment lancé un programme éducatif visant à sensibiliser les influenceurs fast fashion aux enjeux de durabilité dans la mode.
Voir sur le sujet : "Vestiaire collective veut changer la mode avec des influenceurs fast fashion"

