Initialement prévue le 26 mars au Sénat, la “loi anti fast-fashion" a été reportée sans date exacte d’examen. Une situation à rallonge qui crispe ses défenseurs alors que le texte a été voté à l’Assemblée il y a 11 mois. Pendant les questions au gouvernement mercredi 19 février, la sénatrice rapporteure a sommé le gouvernement de s’expliquer. Réponse prudente : "Nous travaillons à rendre le texte plus robuste".
Sur la loi anti-fast fashion, "qu’attendons-nous?". La question est posée au Sénat mercredi 19 février par l’élue de l’Oise Les Républicains, Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. "Nous sommes prêts au Sénat", a-t-elle ainsi déclaré à la ministre déléguée chargée du Commerce, Véronique Louwagie, lors d’une séance de questions au gouvernement. Face aux conséquences de la fast fashion, l’heure est à l’urgence.
"Les filières de seconde main sont submergées par les vêtements non recyclables en raison de leur piètre qualité", ajoute-t-elle.
Face à elle, le gouvernement acquiesce : "Nous sommes prêts à agir", lui répond Véronique Louwagie, elle aussi membre des Républicains. Avant d’ajouter, prudente: "Avec ma collègue du ministère de la Transition écologique, Madame Agnès Pannier-Runacher, nous travaillons sur cette proposition de la loi pour la rendre plus robuste".
La loi anti-fast fashion reportée au Sénat contre toute attente
Ces derniers jours, le texte est resté bloqué au seuil du Palais du Luxembourg. Ses défenseurs avaient obtenu la date du 26 mars pour un examen en séance, un an après son vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 14 mars en première lecture. Mais contre toute attente, le gouvernement en a décidé autrement à la dernière minute.
Résultat : la régulation des entreprises d’ultra-fast fashion de type Shein et Temu ont encore quelques jours de répit. Et le texte qui prévoit l’instauration d’un bonus-malus ainsi que l’interdiction de la publicité de ces entreprises sur les réseaux sociaux est renvoyé aux calendes grecques.
Au Sénat, "nous sommes prêts" face à l’urgence: "les filières de seconde main sont submergées"
De quoi irriter la rapporteure au Sénat désignée depuis déjà de longs mois pour porter le texte et exaspérer les acteurs de la seconde main.
Poussée par les associations de la mode durable, l’industrie textile française et par le milieu de l’économie circulaire et sociale, l’élue Les Républicains Sylvie Valente Le Hir a exprimé son impatience lors de la session de questions-réponses au gouvernement mercredi 19 février.
"Face à la désertification de nos centres-villes, à la perte de savoir-faire historiques et traditionnels, les conséquences économiques (…) sociales et environnementales", face aux "filières de seconde main submergées par les vêtements non recyclables en raison de leur piètre qualité", aux "plateformes dites sociales" qui "rendent addicts les consommateurs, à commencer par les plus jeunes", "face à ces constats, nous demeurons spectateurs sans réagir", a-t-elle déploré. "Il est plus que temps de passer aux actes", a-t-elle ajouté.
"Madame la Ministre, nous sommes prêts au Sénat, malgré le retrait de cette proposition de loi, prévue initialement le 26 mars prochain. Aussi, ma question est simple: Quelle est votre position? Quelle est votre démarche de préservation et de souveraineté économique?" a interrogé la rapporteure.
Un examen du texte "avant l’été", espère le gouvernement
Côté gouvernement, on acquiesce: "Le constat que vous faites, nous le partageons: nous devons effectivement prendre en compte les profonds bouleversements que génère aujourd'hui l'e-commerce avec tous les impacts sur l'emploi, sur l'économie, sur nos commerces, sur notre modèle", lui a répondu la ministre déléguée chargée du Commerce, Véronique Louwagie. Elle aussi fustige "un modèle d'entreprise qui ne respecte pas du tout les normes, les règles auxquelles se conforment nos entreprises".
Loin d’elle toutefois de considérer que l’examen du texte a été abandonné. "Son inscription au Sénat est décalée", voilà tout, explique-t-elle avant d’ajouter "le gouvernement espère l'examen de ce texte avant l'été, avec des mesures renforcées".
Éviter les "effets de bord" de la loi anti-fast fashion explique l’exécutif
Ce décalage, le gouvernement l’explique par sa volonté de mieux cadrer la loi :
"Pour la rendre plus robuste, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'effet de bord, pour éviter de pénaliser nos entreprises", assure la ministre déléguée à Sylvie Valente Le Hir.
"Nous faisons en sorte également de nous assurer que cette proposition de loi cible bien toutes les plateformes dont vous avez fait état, sans créer d'échappatoire", ajoute-t-elle.
"Éviter les effets de bord"… À quoi fait allusion Véronique Louwagie ? Un papier publié par Le Monde nous met sur la piste : selon un expert du secteur textile interrogé par le quotidien du soir et qui a souhaité garder l’anonymat, "l’État français doit s’interroger sur les effets de bord d’une telle législation". Il précise: "elle ne sera pas sans impact sur l’activité de La Poste : Shein et Temu représentent 22 % des colis gérés dans ses entrepôts européens".
"Nous défendons des règles beaucoup plus strictes en matière d'affichage environnemental sur les textiles. Nous intervenons et souhaitons avoir des règles plus strictes également en ce qui concerne la réglementation sur l'éco-conception des produits et la gestion des déchets", indique également la membre de l’exécutif. "Le gouvernement est parfaitement clair", martèle-t-elle avant d’assurer une dernière fois, avant que son micro ne coupe : "le gouvernement est totalement engagé sur ces questions".
Un gouvernement "poker menteur" ?
Pas sûr toutefois que ces précautions prises ne satisfassent les associations défenseuses de la loi ni ne convainc la rapporteuse. Sylvie Valente Le Hir ne compte d’ailleurs pas attendre le travail de précision voulu par le gouvernement pour poursuivre ses travaux.
Le 19 mars prochain, le texte sera ainsi présenté à la commission aménagement du territoire et du développement durable, a d’ores et déjà prévenu la sénatrice. Le soir du report de la loi au Sénat, le 12 février dernier, le président de cette commission, Jean-François Longeot, déplorait à CM-CM.fr :
"J’ai l’impression qu’on joue au poker menteur avec nous. On nous dit pendant plusieurs semaines à propos de cette loi "on en veut, on en veut, on en veut” et en fait, on en veut tellement qu’on ne l’inscrit pas.. Mais qu’on me dise si jamais on veut pas de cette loi, au moins c’est clair !".
Catégorie : Anti fast fashion

