Tandis que la loi anti-fast fashion demeure sans date d’examen au Sénat, près d’un an après avoir été votée à l’Assemblée nationale, les rumeurs sur les raisons de ce blocage vont bon train. Les accusations envers un "lobby Shein" se multiplient. Selon nos informations, l’entreprise chinoise aurait effectivement contacté en personne certains députés pour les rencontrer "dans le cadre des débats à venir au Sénat". CM-CM.fr révèle le mail qui leur a été adressé.
La loi anti-fast fashion récemment zappée au Sénat
Existe-t-il une pression de Shein sur les sénateurs ? Et ces derniers seraient-ils influencés par les députés ? Votée il y a presque un an à l’Assemblée nationale, la loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile -dite loi anti-fast fashion- n’a toujours pas été examinée au Sénat.
Initialement prévue le 26 mars, comme CM-CM.fr vous l’avait révélé, l’étude de cette proposition de loi a été brutalement repoussée aux calandes grecques comme nous vous l’avions expliqué le 13 février dernier.
Le lobby Shein bloque-t-il l’examen de la loi anti-fast fashion au Sénat ?
Alors que la colère gronde chez de nombreux acteurs de la seconde main et de l’économie circulaire, selon des témoignages que nous avons recueillis début 2025, les rumeurs autour d’un "lobby Shein" murmurant à l’oreille des politiques se multiplient.
Face au blocage du texte au Sénat, l’annonce -faite par La Lettre- le 20 décembre dernier de l’embauche de l’ex-ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, au sein d’un comité régional destiné à conseiller le groupe Shein dans plusieurs zones, dont l’Europe, avait déjà éveillé les soupçons.
Le mail de Shein à des députés en vue "des débats à venir au Sénat"
Ce mardi 4 mars 2025, quasiment un an après l’engagement du gouvernement en faveur d’une procédure accélérée sur ce texte à l’Assemblée (c’était le 8 mars dernier), CM-CM.fr publie un document indiquant l’intention de l’entreprise chinoise d’être au contact des parlementaires.
Nous nous sommes procuré un mail expédié quatre jours après l’adoption le 14 mars 2024 à l’Assemblée nationale de la loi anti-fast fashion. Il a été envoyé par un consultant d’une agence "spécialisée dans le conseil en communication stratégique et sensible" (comme indiqué sur ses réseaux sociaux). Missionné par Shein, ce dernier propose à certains députés situés à des postes stratégiques une rencontre avec le directeur des affaires publiques du géant chinois. "Dans le cadre des débats à venir au Sénat sur la fast fashion", précise-t-il.
Attention à une loi qui pénaliserait "les ménages les plus modestes", prévient Shein
Dans son mail adressé à un député de la Commission du développement durable (en charge de l’examen du texte à l’Assemblée), l’auteur pointe certaines "dispositions" de la loi votée à l’unanimité en mars dernier et portée par la députée Horizons Anne-Cécile Violland.
Sans détailler les mesures auxquelles il fait référence, il explique qu’elles auraient, d’après lui, "pour conséquence directe d’augmenter sensiblement les prix des produits proposés aux centaines de milliers de clients français, pour beaucoup des ménages aux revenus modestes".
Il ajoute par ailleurs que ces "dispositions" n’ont fait l’objet "d’aucune étude préalable". "Ni sur l’empreinte environnementale réelle des acteurs ciblés par le texte comparativement au reste de l’industrie, ni sur le bénéfice environnemental attendu, ni sur les conséquences économiques qui en découleraient", précise-t-il.
Shein propose une rencontre personnalisée en face-à-face
En vue des "débats à venir au Sénat", il indique que "le directeur des Affaires publiques" de Shein, souhaite "partager" avec le parlementaire, destinataire du mail, "la vision de l’entreprise lors d’un rendez-vous, en présentiel ou en visioconférence".
"L’idée pour lui est de pouvoir présenter les caractéristiques du modèle qui permettent de pratiquer des prix bas, la stratégie de développement du Groupe en France, d’écouter et de répondre à toutes les interrogations", termine le consultant avant de conclure: "Seriez-vous disponible pour ce rendez-vous ?".

Crédit : CM-CM.fr.

Crédit : CM-CM.fr.
Shein relance 8 jours après
Resté sans réponse du parlementaire approché, le consultant Shein persévère quelques jours plus tard. Huit jours après l’envoi de son premier mail, il relance le député :
"Bonjour, avez-vous pu prendre connaissance de ce mail ? Bien à vous", peut-on lire dans un nouveau mail envoyé le 28 mars 2024.

Crédit : CM-CM.fr.
Ce premier mail dont nous vous avons fait la capture d’écran a été expédié en 2024 à plusieurs députés de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Pour rappel, dans le cas où la loi anti-fast fashion validée par l’Assemblée ne serait pas votée en l'état au Sénat, c’est par cette commission environnementale que repassera d’abord la loi, avant d’être éventuellement modifiée, puis soumise à nouveau au vote des députés.
Catégorie : Anti-fast fashion

