La Fédération de la mode circulaire présente le 29 septembre 2023 son programme commun, mettant à jour quinze mesures pour faciliter le développement de l'économie circulaire dans l'industrie de la mode et du textile. Découvrez-les ainsi que les échanges au cœur de l'événement dans cette présentation.
" Ce programme commun représente le mandat que nous confie nos adhérents pour les 12 derniers mois, et que nous défendrons, jour après jour, auprès des pouvoirs publics français mais aussi européens, afin de transformer le futur de la mode. " Ellie Dahan-Lamort
Défendre une vision et transformer le futur de la mode circulaire en trois points
Les mesures sont présentées comme « des leviers prioritaires à actionner » autour de trois grands thèmes : la fiscalité et le marché ; la consommation et la sensibilisation ; le recyclage et l'environnement. Fruit de rencontres et débats à l'issue de cinq commissions consultatives, place aux 15 mesures de ce programme.
Accompagner le développement des acteurs de la mode circulaire
1 - La fédération souhaite accompagner économiquement les entreprises du textile et de la chaussure vers l'éco-conception de leurs produits et vers la circularisation de leurs modèles économiques. Elle réclame l'intégration de nouveaux critères des bonus accordés aux entreprises sur les éco-contributions qu'elles payent lors de la mise en marché de leurs produits ainsi que la mise en place d'un malus.
Pour la co-fondatrice de Crush ON et membre fondateur de la fédération Camille Greco, cette mesure permettrait d'orienter la filière vers des modèles plus circulaires, tout en minimisant les risques et les coûts.
" Intégrer un système de malus dans le calcul de l’eco-modulation des metteurs en marché du secteur textile permettrait de pénaliser les entreprises les moins vertueuses, boostant la compétitivité des marques les plus durables et circulaires et des vêtements de seconde main. En parallèle, les bonus incitent les metteurs à marché à éco-concevoir leurs produits, bénéficiant de facto au secteur du réemploi grâce à une plus longue durabilité des vêtements. ” Camille Greco
Une mesure qui concerne donc le "recommerce".
2 - La deuxième mesure porte sur l'amélioration des outils fiscaux pour mieux les adapter aux contraintes des entreprises de la mode circulaire. Sont proposées la mise en place d'une TVA à 5,5% pour les produits issus de l'économie circulaire, ainsi que l'amélioration du système de TVA sur marge pour faciliter son utilisation pour les entreprises du réemploi. Une partie de l'économie de la seconde main serait directement concernée.
La mesure porte à la fois sur les produits textiles circulaires (issus du réemploi, de la réutilisation, de l'upcycling ou concernant un taux minimum de matières issues du recyclage) et les services circulaires (réparation, collecte, location, recyclage matière).
Le taux de TVA applicable aux biens d'occasion est celui auquel est soumis le même objet à l'état neuf, soit en France métropolitaine 20% pour les biens relevant du taux normal. Ce qui est dénoncé car la circularité est généralement synonyme de faibles marges mais aussi de coûts supplémentaires (pièces uniques difficilement identifiables, logistique, fiches produits). Pour Marjorie Biawa chargée de projets seconde main en charge du groupe de travail commerce circulaire, la TVA circulaire permettrait aux acteurs de la seconde main d'assoir leur marge, pérenniser leur modèle économique et possiblement construire des offres plus attractives pour le client final.
" Quand on est un acteur de seconde main, on coûte aussi cher qu'un acteur de première main à distribuer. C'est donc compliqué de développer cette valeur ajoutée. La fiscalité et les mesures incitatives ne peuvent qu'aider les acteurs de la mode circulaire. Le système est balbutiant et peine à trouver son modèle. C'est pourtant lui qui va faire changer durablement le comportement du consommateur. " Marjorie Biawa
Cette mesure fait parler d'elle.
" Parmi les mesures, la TVA circulaire m'inspire parce qu'elle est multisectorielle : cela peut être à la fois pour le réemploi des meubles, de l'électronique ou des produits d'usage de seconde main si on prend l'automobile. C'est une mesure incitative pour le consommateur. " Hatem Sedkaoui
Pour l'expert de la seconde main et du recyclage textile à l'échelle internationale et membre fondateur de la fédération, le seul risque de cette mesure est l'augmentation des tarifs par les acteurs de la filière seconde main qui impacterait un prix final : « Il faudra veiller à ce que la TVA circulaire permette une décote qui diminue réellement le prix pour permettre l'accès à des produits moins chers. »
Cette mesure est soutenue par l'Institut National de l’Économie circulaire ainsi que le collectif EC20237. Pour se plonger dans la technique fiscale en matière de TVA applicable aux biens d'occasion c'est par ici.
3 - La création d'un code APE (activité principale exercée) pour les entreprises de la mode circulaire fait également partie des mesures du programme. Objectif : répertorier et faciliter l'accès des entreprises aux financements et aux appels d'offres plus spécifiquement liés à leur domaine.
4 - La quatrième proposition porte sur la mise en place d'un crédit d'impôt circulaire. Sur le modèle du crédit impôt recherche, la mise en place d'un crédit d'impôt circulaire aurait pour objectif de faciliter le remboursement des dépenses engagées par les entreprises du textile pour développer leurs activités autour de la circularité.
5 - La fédération souhaite que soit facilité l'utilisation des matières premières non utilisées. Pour cela, elle suggère d'interdire la destruction des matières commandées par une marque mais inutilisées. Jusqu'ici, l'interdiction porte sur les invendus soit les pièces finies. Cette proposition vise également à ajuster la comptabilisation de l'impact environnemental de l'utilisation des matières premières non utilisées.
6 - La sixième mesure du programme porte sur la réglementation des termes fréquemment utilisés par les acteurs de la filière. La Fédération souhaite que les termes de la mode circulaire soient encadrés pour mieux en protéger les spécificités.
Par exemple, les termes réemploi, upcycling, produits invendus et stocks dormants ne sont pas encadrés et mériteraient une définition afin d'éviter leur sur-utilisation.
La fédération souligne que les enseignes de fast fashion utilisent le terme upcycling et commercialisent des vêtements imitant les codes de la récupération en utilisant des matières vierges. Ce qui représenterait une concurrence déloyale en désavantageant les créateurs qui peinent à justifier leurs prix. La co-fondatrice de la marque Resap Paris et membre de la fédération, Daphné Grem invite à la clarification des termes car « derrière la tendance upcycling, il y a un savoir-faire upcycling ».
" Quand on parle d'upycling, on adresse la question du postconsumer. Dans ce contexte, la dimension économique de la production n'est plus du tout la même que pour le preconsumer. Il est primordial de clarifier le terme upcycling pour que nous ayons tous une base commune et claire ! " Daphné Grem
La fédération précise que ce travail de définitions pourrait dans un premier temps faire l'objet d'un AFNOR spec, soit une promesse de pouvoir disposer rapidement d'un document de référence, pour ensuite être intégré dans une norme volontaire via un processus de normalisation, et enfin être inclus dans le Code de l'environnement.
Nous soutenons cette proposition et appelons de nos vœux un travail notionnel rigoureux. Un cadre normatif permettrait aussi d'assurer une information fiable de la part de l'ensemble des acteurs de l'information et de bénéficier in fine d'une meilleure compréhension des sujets "tendance" aux divers enjeux.
7 - La fédération souhaite faire intégrer les enjeux de circularité dans tous les programmes de formation des écoles de mode et de textile. Pourquoi ? "Il est crucial que les professionnels et futurs professionnels soient suffisamment formés à ces questions." Comment ? En intégrer de nouveaux modules concernant l'économie circulaire via le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et le Ministère de la Culture, ayant la tutelle des établissements de mode et du textile. Cette mesure est soutenue par Fashion Green Hub.
8 - La huitième mesure tend à étendre les obligations de traçabilité à la fibre pour en affiner le calcul de l'impact environnemental. La fédération souhaite notamment une extension des obligations de traçabilité à la matière première ou à la fibre permettant une information plus précise sur l'impact environnemental du produit dans son ensemble. Une mesure soutenue par En Mode Climat.
9 - La fédération souhaite également l'ajout à la liste des métiers d'art donnée par le Ministère de la Culture, les métiers de la réparation textile (retoucheurs, couturiers) et de l'upcycling.
Une mesure pour préserver les savoir-faire et les métiers d'art de la mode et du luxe.
Redonner le pouvoir aux "consomm'acteurs"
10 - Pour accompagner le développement de l'économie circulaire et favoriser l'information au consommateur, la dixième mesure porte sur la mise en place d'un Digital Product Passeport (DPP).
Ce passeport est un outil décentralisé pour enregistrer, contenir et partager électroniquement des informations tout le long de la vie du produit. Rendu obligatoire d'ici 2026 pour certains acteurs, la fédération pointe du doigt l'absence de prise en compte de la durabilité extrinsèque du produit et le risque de voir mieux noté un produit de fast fashion.
Elle demande que soit favorisé l’allongement de la durée de vie des produits. Par ailleurs, ce passeport numérique sécurisé apporterait une garantie de l'authenticité des produits. Utile pour les transactions de produits luxe sur le marché de la seconde main. Une solution déjà proposée aux acteurs du luxe en quête d'authenticité et traçabilité de leur produit, mais aussi de documentation de son histoire.
11 - La fédération met en lumière la nécessité d'une définition de la fast fashion et de l'ultra fast fashion pour mieux l'encadrer et limiter ses impacts environnementaux et sociaux.
Les critères proposés pour qualifier l'impact de la fast fashion dans le cadre de l'affichage environnemental sont les suivants : rythme de renouvellement, quantité d'unités, durée de la conception à la vente hors précommande, largeur de gamme, réparabilité et respect des droits humains.
12 - Lancer un grand plan de sensibilisation à l'impact environnemental des textiles et chaussures à la mode circulaire est l'une des mesures phares pour la fédération. Objectif : informer dès le plus jeune âge pour combattre notamment le greenwashing avec la collaboration du Ministère de l’Éducation Nationale et celui de la Transition Écologique. La fédération pose en contexte la modification inévitable des habitudes de consommation. Ce n'est pas nous qui allons le contredire avec pour cœur les deux CM !
A l'heure où la marque d'ultra fast fashion Shein serait responsable de 22 % des émissions de CO2 des adolescentes françaises, la mesure prévoit également une régulation des campagnes de publicité et d'influence commercialisant des produits textiles. Sont proposées des formules comme celle-ci :
Pour l'environnement, privilégiez les vêtements issues de l'économie circulaire.
Réduire l'impact grâce à une meilleure gestion de la fin de vie des textiles
13 - Pour permettre la mise en place de politiques européennes plus adaptées aux enjeux des exportations à l'étranger des textiles collectés, et accompagner l'essor de la mode circulaire, la fédération plaide la mise en place d'une filière REP (Responsabilité Élargie du Producteur) harmonisée dans l'Union Européenne.
14 - L'avant dernière mesure porte sur les volumes invendus par les marques. Objectif de transparence : inciter les marques à publier les quantités de volumes produits et invendus pour chaque collection.
15 - Le plus ambitieux pour la fin ? La fédération souhaite la relocalisation et la réindustrialisation des activités de la mode circulaire. Sont concernés l'opération de collecte, de tri et de recyclage textile « avec des investissements productifs pour permettre à la filière de se structurer et de se pérenniser » précise Hatem Sedkaoui.
" On aurait une filière du recyclage qui s'adapte à d'autres secteurs d'activités avec des investissements lourds qui peuvent être scalable sur d'autres typologies de matière : que ce soit plastique ou textile, on doit pouvoir recycler de la même façon et avoir les mêmes résultats. " Hatem Sedkaoui
La fédération échangera dès la semaine prochaine sur le programme avec le Cabinet du Ministère de l'Industrie nous rapporte la chargée de plaidoyer de l'organisation.