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Loi anti-fast fashion : une loi sur le neuf, aussi vitale pour la seconde main, explique le co-fondateur d’OMAJ

Hortense de Montalivet
25 avril 2025, 13h45
25 avril 2025, 13h45
Temps de lecture : 5 min

Entrepreneur de la marque emblématique de seconde main OMAJ - actuellement en redressement judiciaire -, Paul Charon donne son avis sur la future loi anti-fast fashion débattue en juin au Sénat. Entre l’univers de la seconde main et cette future loi, les liens de cause à effet sont en effet bien plus évidents qu’il n’y paraît.

Parler de la loi anti-fast fashion quand on est une entreprise de seconde main, un hors-sujet ?

Si a priori, le lien semble contre-intuitif, la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, étudiée début juin au Sénat, aura bien des conséquences sur la mode circulaire.

La loi anti-fast fashion, un sujet essentiel pour la mode de seconde main

"C’est un sujet très important pour les acteurs de la seconde main", explique à CM-CM.fr l’entrepreneur Paul Charon, co-fondateur de l’entreprise OMAJ, actuellement en redressement judiciaire après quatre ans d’existence.

→ Retrouvez notre article sur OMAJ:  OMAJ en redressement judiciaire : les 5 leçons "entrepreneuriat dans la seconde main" du fondateur Paul Charon

Présentée comme un modèle lors de son lancement en 2021, la jeune pousse qui proposait de vendre de la seconde main "impeccable" n’a pas résisté à la concurrence de Vinted et aux mastodontes du neuf.

"Ces vêtements vendus par la fast fashion, on ne veut surtout pas les voir derrière dans nos circuits de seconde main. Ce sont des produits pas du tout rentables pour nous. La concurrence de ces productions low cost est mortifère pour l’économie circulaire", détaille le jeune trentenaire.

En effet, pourquoi le consommateur prendrait la peine d’acheter un vêtement de seconde main de qualité à un prix correct, s’il peut commander du 100% neuf à un prix encore plus réduit ?

C’est à cette question précise émanant du milieu de la seconde main, que la loi anti-fast fashion inscrite à l’ordre du jour du Sénat en juin devra répondre, entre autres.

Une loi anti-fast fashion en deux temps pour la seconde main?

Paul Charon insiste sur l’urgence de légiférer dès maintenant :

"Aujourd’hui, on est sur une prime au grand n’importe quoi dans le secteur textile. Il est grand temps que le législateur vienne compenser cette prime au vice qui existe", constate-t-il auprès de CM-CM.fr.

Combattre les prix du neuf toujours plus bas quand le cadre législatif est encore trop peu favorisant pour le secteur de la seconde main, c’est une nécessité pour OMAJ. L’entreprise attend actuellement la décision du tribunal de commerce sur un futur plan de reprise, dont les deux co-fondateurs savent d’emblée qu’ils en sont exclus.

Pour autant, cette loi anti-fast fashion s’annonce d’ores et déjà moins coercitive qu’elle ne l’était en mars 2024, lors de son vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Plusieurs points du texte ont été retravaillés par la sénatrice-rapporteure.

"J’assume de faire une loi anti-ultra fast fashion", confiait à CM-CM.fr l’élue Les Républicains (LR), Sylvie Valente Le Hir qui préfère un texte qui cible les géants chinois Shein et Temu plutôt que les entreprises de fast fashion françaises et européennes.

→ Retrouvez tous nos articles sur la loi anti-fast fashion ici.

D’un côté, "Shein a bouleversé le jeu de la fast fashion"

"Dans un monde idéal, Zara, H&M, Kiabi et tous les autres, il faudrait les inclure dans cette loi anti-fast fashion. Parce que le problème de ces marques, c’est les volumes qu’elles produisent”, explique Paul Charon qui rappelle en passant: "Il ne faut pas oublier que le groupe espagnol Inditex et sa marque-phare Zara ont ruiné le mass market dans les années 2000".

L’entrepreneur reconnaît toutefois, à l’instar de la rapporteure du texte au Sénat, que "le raz de marée Shein a bouleversé le jeu de la fast fashion".

Il y a aujourd’hui, une "urgence" d’après lui à légiférer sur des acteurs "encore beaucoup plus puissants comme Shein". "Il faut leur couper le robinet!", affirme Paul Charon.

Mais attention à ne pas oublier de "pousser la coupure de robinet jusqu’au bout", au moment opportun, ajoute-t-il.

De l’autre attention à la prime au vice pour Zara et cie

Protéger les marques françaises ? Le co-fondateur d’OMAJ n’y voit pas d’inconvénients. Encore faut-il bien les situer. "Car d’abord, c’est quoi les marques françaises de fast fashion?", interroge-t-il.

S’il s’agit de protéger des marques comme Kiabi (marque populaire du géant français Mulliez qui a les faveurs de la sénatrice-rapporteure au Sénat, comme vous l’avez raconté CM-CM.fr), il n’y voit pas d’inconvénient.

"Kiabi a compris que le modèle actuel n’est pas une machine pour l’avenir. Ils ont créé Beebs by Kiabi, une plateforme de revente de vêtements de seconde main, ils bossent avec l’entreprise de concept store de seconde main, Crush On… Oui Kiabi, c’est un peu une exception parmi les marques de fast fashion, mais les autres ?", décrypte-t-il.

Quand on pense écosystème de la fast fashion européenne, ce n’est effectivement pas le nom de la marque Kiabi qui émerge en premier. On pense plutôt Zara, H&M et Primark.

"Les Espagnols avec Zara et les Suédois avec H&M, ils ont participé à la délocalisation massive hein", rappelle Paul Charon. "On a l’impression que ces enseignes ont rendu la mode accessible, mais elles ont surtout poussé les gens à acheter 50 tee-shirts par an", résume-t-il.

"Shein fait passer Zara pour des enfants de chœur"

Le problème pour lui, c’est qu’avec l’arrivée des géants chinois, les cartes du jeu sont rebattues avec des règles extrêmes.

"Shein fait passer Zara pour des enfants de chœur", s’agace-t-il. "Mais n’oublions pas que l’ultra fast fashion, c’est des marques européennes comme Primark qui l’ont inventée. Pas Shein", conclut l’entrepreneur.

La loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile sera débattue le 2 et le 3 juin par les sénateurs, plus d’un an après son vote par les députés.

Le 10 juin, elle sera votée au Sénat lors d’un scrutin public. Selon nos informations, s’en suivra une commission mixte paritaire qui devrait décider du texte exact définitif.

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