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Le réemploi : une solution écologique à la fast déco qui manque de soutien

Maurane Nait Mazi
20 mai 2024
20 mai 2024
Temps de lecture : 5 min

Trois ONG alertent sur les dérives de la fast déco dans un rapport préoccupant. Une alternative écologique pourrait en partie endiguer le problème, mais manque de soutien fort.

Alors que la loi anti fast fashion a été adopté le 14 mars 2024 par l'Assemblée nationale en première lecture, les associations Zero Waste France, Réseau National des Ressourceries et Recycleries et Les Amis de la Terre mettent la lumière la généralisation des pratiques de fast déco et de fast furniture par les enseignes d'ameublement et de décoration. Pratiques des grandes entreprises de vente en ligne, ainsi que celles de la mode et du déstockage.

Une surconsommation désastreuse

Le secteur de l'ameublement et de la décoration connaît une croissance rapide, avec une augmentation de 88% des objets vendus en France entre 2017 et 2022. Rien qu’en 2022, 505 millions de meubles ont été commercialisés, soit 17 nouveaux objets par foyer et par an.

Ce boom est alimenté par une demande croissante, encouragée par les confinements dus au Covid-19, qui ont transformé les maisons en refuges personnalisés. Prix cassés et promotions permanentes, baisse de qualité des produits et des matières. Les géants de la fast fashion et de l'e-commerce ont vite surfé sur cette tendance, proposant des produits à bas prix et en renouvellement constant, créant ainsi un modèle de fast déco similaire à celui de la fast fashion.

Les conséquences de cette surproduction sont multiples. Sur le plan environnemental, la production de meubles et d'objets de décoration exerce une forte pression sur les ressources naturelles, surtout le bois. Cette surutilisation mène à des pratiques dévastatrices comme les coupes illégales dans les forêts primaires, aggravant ainsi la déforestation et la perte de biodiversité. En 2021, 61% des objets mis sur le marché étaient en bois, illustrant l'ampleur du problème. L'enseigne leader de la fast furniture, IKEA, est particulièrement pointée du doigt.

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Le réemploi, une solution sous-exploitée

Face à cette situation, le réemploi est une alternative prometteuse, mais encore largement sous-exploitée. En 2022, sur 1,2 million de tonnes de meubles collectés, seulement 27 500 tonnes ont été réemployées. Avec moins de 5% des meubles réemployés, le réemploi a un énorme potentiel pour réduire les déchets et préserver les ressources.

Le réemploi a de grands avantages pour l'environnement et l'économie. Il permet d'allonger la durée de vie des objets, ce qui réduit le besoin de fabriquer de nouveaux produits et d'extraire de nouvelles matières premières. De plus, il diminue le volume de déchets destinés à l'incinération ou à la mise en décharge. Cependant, cette pratique est confrontée à plusieurs défis majeurs. Les ressourceries et recycleries, principaux centres de réemploi en France, ont souvent des locaux trop petits ou inadaptés. Des locaux adaptés essentiels pour collecter, stocker, réparer et vendre les objets réemployés. Ce que rappelle la nouvelle union pour le réemploi solidaire lors de sa création en février dernier. Le manque de foncier pour stocker et valoriser les meubles collectés, ainsi que le financement insuffisant pour soutenir ces activités, limite considérablement le développement du réemploi.

Soutenir le réemploi : un impératif

Pour que le réemploi devienne une alternative viable et compétitive à la fast déco, il a besoin d'un soutien fort. Parmi neuf propositions, les ONG demandent de réduire la production du nombre d'objets pour respecter la limite de +1,5°C fixée par l’Accord de Paris et de soutenir financièrement la filière. Concrètement, elles proposent de doubler les fonds alloués au réemploi et de mettre en place des pénalités pour les enseignes qui vendent trop d'objets, sur le modèle du bonus/malus appliqué à la fast fashion.

Le rapport déplore que les fonds de réemploi prévus par la loi AGEC ne soient pas pleinement utilisés et distribués équitablement pour soutenir le secteur, malgré le coût du réemploi. L’Ademe estime le coût moyen pour une structure généraliste à 1 902 € par tonne. Toujours selon l’Agence pour la transition écologique, lorsqu’un acteur du réemploi s’approvisionne en éléments d’ameublement, il prend le risque de ne pas pouvoir réemployer et supporte donc les coûts d’approvisionnement, liés diagnostic, au stockage et à l’élimination des équipements.

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Réemploi, un fonds sans fonds

Créée en 2021 afin de soutenir le développement du réemploi, la loi AGEC prévoit que les producteurs doivent « mettre en place des fonds dotés des ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de réemploi et de réutilisation, celles-ci ne pouvant être inférieures à 5% du montant des contributions reçues ». Malgré la création d’un fonds dédié, les producteurs et importateurs qui mettent des biens d’ameublement et de décoration sur le marché, relevant de la filière REP, ne participent pas suffisamment au financement des solutions de réemploi. Le budget consacré à ce fonds demeure à ce jour inconnu, rapportent les lanceurs d'alerte.

L'union pour promouvoir le réemploi
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Crédits image / Rapport Tendances maison : l'envers du décor