Alors qu’au Bangladesh, deuxième pays exportateur de textile au monde, les travailleuses et travailleurs du secteur se sont révoltés ces dernières semaines contre leurs salaires indécents et ont été réprimés dans la violence par le gouvernement, en France, une grande coalition vient d’être lancée. Elle demande un encadrement de l’industrie de la mode, et en particulier des enseignes de fast fashion.
Faire voir les atteintes et les victimes de la mode
Le 23 novembre, veille de Black Friday, les activistes du collectif Le bruit qui court, accompagnés d'Alternatiba Paris et d’une coalition de huit associations ont mené une action contre la fast fashion et ses impacts dans le centre de Paris.
Une performance artistique de rue visait à exploser les violations des droits humains et à l’environnement causés par l’industrie de la mode. En étendant en rythme des vêtements sur des cordes à linge ; vêtements sur lesquels on pouvait lire les messages : « victimes de la mode » ou encore « nous consommons leur exploitation », maculés de liquide rouge et noir, symbolisant les violations de droits humains et les atteintes à l’environnement liées à la production démesurée de vêtements, les activistes personnifient les victimes de la mode.
A l’initiative des Amis de la Terre, la coalition compte des acteurs engagés en faveur du réemploi et de la seconde main telles que Emmaüs France, avec près de 500 salles de vente et lieux de collecte sur le territoire et Zero Waste France, l'association citoyenne qui milite pour la réduction des déchets a lancé en 2018 le défi « Rien de neuf ».
Charlotte Soulary spectatrice et responsable du plaidoyer chez Zero Waste déclare avoir aimé le parti pris de la performance.
« La lenteur de la performance permet de ralentir et réfléchir à ce qu'est la fast fashion : l'accélération des cadences de production. » — Charlotte Soulary
La professionnelle poursuit en soulignant « les impacts de l'importation de déchets » et évoque un décalage entre la production et nos usages textiles.
« Nous produisons 40% de vêtements en plus, et on porte nos vêtements moitié moins longtemps. De nombreux vêtements sont jetés sans avoir été portés ; il ne s'agit pas de question de réemploi, mais de décharges à ciel ouvert. » — Charlotte Soulary
Contraindre les marques de fast fashion par le droit
Cette performance fait partie d'une campagne plus large visant à interpeller le Ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, afin qu'il instaure une réglementation imposant aux marques de respecter les droits humains et l’environnement. Bien qu'il ait annoncé cet été son intention de « lutter contre les abus de la fast fashion », les mesures concrètes tardent à voir le jour, une lacune que la coalition n'a pas manqué de souligner. À noter l’absence de la prise en compte du secteur de la mode au sein de la planification écologique qui semblait pourtant être le cadre parfait afin d’amorcer une transition durable au sein d’un secteur en difficulté économique.
Vent debout pour encadrer la fast fashion
La mobilisation prend de l'ampleur dans plusieurs villes où des affiches collées sur les vitrines dénoncent les conséquences environnementales et sociales des marques telles que Shein, Primark, H&M et Zara.
Interdire la publicité pour lutter contre la fast fashion
« Nous demandons une régulation de la publicité qui envahit nos boîtes e-mail ; nos recherches sur Internet, les murs de nos villes. » — Catherine Dauriac
La présidente de Fashion Révolution France rappelle « nous avons produit à ce jour assez de vêtements pour habiller la planète jusqu’en 2100 ». Elle insiste sur la nécessité d'interdire la publicité faisant la promotion de la mode jetable soulignant que nous disposons déjà de suffisamment de vêtements pour plusieurs décennies, de quoi tenir notamment avec l'économie de la seconde main.
« Nous devons interdire la publicité pour la fast fashion et adopter une législation similaire à la loi Evin, visant à réduire la consommation de tabac et d'alcool, informer sur les dangers associés et protéger les mineurs. » — Catherine Dauriac
La journaliste et activiste pour le climat met en évidence la date d'entrée en vigueur « le 1er novembre 1992 » de la loi Evin pour rappeler que l'adoption de telles mesures n'est pas nouvelle et souligne également l'importance historique de cette loi qualifiée de « loi de santé publique ».
La coalition invite les citoyens à se mobiliser pour exiger de Bruno Le Maire et du gouvernement de répondre aux défis sociaux et environnementaux posés par la fast fashion. Au cours de la même semaine, le Ministre de l’Économie a également été interpellé par des organisations professionnelles lui demandant le retrait immédiat de la campagne publicitaire de l'Agence de la transition écologique. Ces tensions mettent en lumière l'urgence des défis de sobriété.
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