Entreprendre dans la mode : faire, transmettre et surcycler racontés à ChangeNOW
Entrepreneure dans la mode, Kathlynn Pougeol nous partage ses inspirations de l'évènement ChangeNOW Summit 2023, le sommet qui rassemble les solutions innovantes pour la planète, les 25, 26 et 27 mai, au Grand Palais Éphémère à Paris.
C’est après une conférence à laquelle elle est intervenue vendredi 26 mai sur le thème “faire et transmettre” dans le cadre du programme Jeunesse que nous nous retrouvons pour échanger. L’initiative Jeunes est un programme en partenariat avec la Région Ile-de-France et la Fondation Mirova, qui avant et pendant le sommet ChangeNOW vise à engager les lycéens dans des projets liés à la transition écologique et sociale.
Kathlynn Pougeol intervient dans ce cadre au salon et incarne l’entreprenariat à impact positif dans l’industrie textile.
Proposer d'autres imaginaires à la jeunesse
Crédits photo : ChangeNOW
Avec la double casquette “Innovators” et “Fashion”, aux côtés notamment d’Amélie Deloche, co-fondatrice de Paye Ton Influence et l’acteur Jacky Ido, elle contribue à l’émergence de nouveaux récits. Favoriser les liens transgénérationnels qui lui sont chers et sensibiliser aux questions environnementales et sociales comme l’inclusion sociale pour changer les imaginaires.
Il s'agit de montrer que cette étape de vie offre des choix, et que la construction de soi passe par l'exploration, la curiosité et la découverte. Étape qui est parfois guidée. Elle nous raconte.
L’héritage pour construire le futur de la mode
Entrepreneure de 25 ans, Kathlynn se raconte enfant au côté d'une grand-mère passionnée par la mode et l'artisanat. Une styliste-modéliste formée en France, qui a décidé de retourner dans son pays d'origine, le Cameroun, pour promouvoir l'artisanat africain et créer son propre atelier de confection.
“ C’est ma grand-mère qui m’a appris à identifier les belles matières et aimer le beau vêtement, celui qu'on aime et qui dure. Je ne m’en rendais pas compte enfant de cet héritage. “
Elle partage ici la notion de patrimoine immatériel. “Tes valeurs tu les découvres quand tu les confrontes” précise Kathlynn. Ce sont bien elles qui la guident vers un l’engagement dans le secteur de la mode.
" C'est quand j'ai décidé de créer mon entreprise que j'ai pris conscience de ce bagage, de ce je voulais vraiment faire, en faire. Faire pour transmettre. Mais pour transmettre, il faut bien faire. "
Upcycler ou surcycler pour valoriser nos déchets textiles
Kathlynn est animée par une volonté de créer de la valeur dans la mode sans produire.
Elle a choisi l'upcycling.
Le terme upcycling ou surcyclage en français désigne l’action de récupérer des tissus ou des vêtements déjà existants, dont on ne se sert plus. L’idée est de les valoriser, en fabriquant des vêtements de qualité ou d’utilité supérieure à leur état d’origine.
Pourquoi valoriser l’existant ?
" On produit énormément de vêtements, alors que nous n'avons pas besoin d'en produire autant. Pourquoi ? Parce que nous en avons déjà qui dorment dans des entrepôts ou qui sont abandonnés dans des déchetteries à ciel ouvert. Nous avons déjà trop de vêtements. "
Le CMCM de Kathlynn
Le “moins” de “consomme moins” de Kathlynn passe par la réduction des achats qu'elle nomme de "facilité". Ceux qui mis bout à bout "pèsent sur notre empreinte carbone". Par exemple, elle en a diminué l'achat de lingettes démaquillantes pour aujourd'hui ne plus en acheter.
Le “mieux” se loge dans une autre version de la méthode BISOU, un moyen mnémotechnique popularisé en 5 questions à se poser avant chaque achat pour lutter contre les achats compulsifs.
B comme besoin : à quel besoin réel cet acte répond-il ?
I comme immédiat : en ai-je immmédiatement besoin ?
S comme similaire : ai-je déjà un article similaire ?
O comme origine :quelle est l'origine du produit ?
U comme Utile : combien de fois le produit va-t-il être utile ?
" La méthode BISOU version 2 que j'affectionne et qui définit ma manière de consommer se résume ainsi : Buy It Second Hand Or Upcycled. "
Achète de la seconde main ou upcyclé
Upcyclothe, une surcyclerie digitale pour nos vêtements
“ Aujourd'hui, nous avons la capacité de valoriser les vêtements et les tissus que nous possédons déjà, afin de donner une seconde vie. “
Avec cette vision, Kathlynn a cofondé Upcyclothe avec Len Vang Soua Thao en 2019. Une plateforme digitale qui offre une solution aux professionnels de la mode, tels que les marques de prêt-à-porter et les commerçants, pour revaloriser leurs stocks dormants.
Les stocks dormants ou stocks morts sont des produits fabriqués à l’origine par des marques, qui sont :
- soit invendus (par ex. changement de saison, cessation de l’activité de l’entreprise)
- soit invendables (par ex. petits défauts ne correspondant pas au cahier des charges).
Upcyclothe est un acteur spécialisé dans le surcyclage des matières endormies
Alors qu'il existe déjà des opérateurs de tri et des filières de recyclage classiques pour les textiles, Upcyclothe est la première filière de surcyclage à grande échelle.
“ Nous n'avons pas besoin de produire davantage. Upcyclothe est là pour aider les professionnels de la mode à valoriser leurs stocks dormants et à contribuer à un changement positif dans l'industrie. "
Un réseau de collaborations pour une mode responsable
Upcyclothe permet aux marques de collaborer avec des boutiques qui leur fournissent des matières destinées à être revalorisées. Aujourd'hui, la plupart des marques se procurent leurs matériaux dans les centres de tri, les ressourceries et les recycleries, un vrai travail de fourmis. et le réseau tend à centraliser ces sources pour simplifier le processus d'éco-conception.
En créant une filière de surcyclage digitale pour les vêtements, Kathlynn et son équipe offrent une alternative aux professionnels de la mode.
Engagement social et environnemental, un objectif indissociable pour une mode responsable
Kathlynn exprime la nécessité d'une mode plus responsable permise par l'amélioration de plusieurs facteurs.
" Le coût environnemental de la mode va de paire avec d'autres enjeux. La transition écologique n'est possible que par une transition sociale. "
Les femmes en première ligne dans le secteur textile
Le modèle de la fast-fashion repose sur la surproduction et l’exploitation des plus vulnérables : les travailleuses. 80% des ouvriers textiles sont des ouvrières. Largement majoritaires et indispensables au fonctionnement de l’industrie de la mode, elles font face à des facteurs socio-économiques et politiques les rendant plus vulnérables que les hommes. Plus de détails sur le sujet.
D'après Oxfam, les femmes représentent 60 millions de travailleurs au sein de l’industrie textile dans le monde, avec un volume horaire moyen journalier de 12 heures. Pour un t-shirt vendu 29€ en magasin, les ouvrières de la chaîne textile touchent uniquement 0,18€, soit 0,6% du prix du produit. 68% du prix est dédié aux marges de la marque et du magasin. Sans compter que 20% de la production mondiale de coton provient de Chine, essentiellement de la province du Xinjiang peuplée de Ouïghours, une minorité musulmane réprimée et exploitée par Pékin selon les défenseurs des droits humains.
Découvrir le portrait d'Amélie: " Je quitte la fast fashion"
Kathlynn a choisi de travailler avec des partenaires européens et prendre des décisions éclairées à ce sujet. Pour elle, dans l'industrie il faut parfois accepter de refuser. Quand l’objet est d’avoir un impact positif, c’est refuser de se soumettre à une logique fondée axée uniquement sur la performance et les chiffres.
“ Rendre l'industrie textile plus responsable et inclusive est mon combat et des solutions existent. J'ai été ravie de constater que les jeunes de 15 ans peuvent déjà faire des choix conscients. C’est d’ailleurs pour eux qu’on entreprend pour changer la façon de produire la mode. "